La galerie les Filles du Calvaire présente la nouvelle série d’Antoine d’Agata : « Paradigmes ». Ce travail s‘inscrit dans le projet « Atlas », un parcours à travers les expériences interdites du photographe.
Antoine a traversé différents pays et y a documenté ses rencontres – sous substance – avec les prostituées. L’artiste est un funambule des narcotiques qui inspirent sa production photographique. Antoine a un rapport presque « professionnel » avec les drogues. Il les maitrise, connaît leurs effets et sait comment passer de l’une à l’autre en fonction de l’état recherché.
Face à son travail puissant et oppressant, j’ai pris l’habitude de retenir mon souffle. Étrangement, la série « Paradigmes » dégage une première impression plus légère…
Une première impression « pop & graphique »
La Galerie « Les Filles du Calvaire » présente des grands formats très graphiques. Ces panneaux rassemblent des petits carrés colorés agencés suivant une composition dynamique, presque « pop ». « Pop » un terme que l’on associe peu aux œuvres crues et glaciales de l’artiste. Où sont passées les réalités sombres de l’artiste ? Que sont devenues les chairs meurtries d’Antoine ?
S’approcher pour s’enivrer
En s’approchant des mosaïques, les inconditionnels du travail d’Antoine seront rassurés. Tout est là, à portée de regard. Le caléidoscope se révèle aux curieux : les lignes aux miniatures répètent l’image de femme nue se caressant. Le résultat est saisissant. L’artiste décrit les fragments en ces termes : “Une sorte de chronopornographie justifiée par la nécessité d’enregistrer l’intensité de l’événement, des séquences d’existence ».
On passe d’un panneau à l’autre, enivré par cette envie de découvrir. Les fragments d’expériences se répètent. L’univers de d’Antoine d’Agata est là, miniaturisé, répété. Un tableau gris et qui offre l’apparence d’un tissu n’est que l’assemblage de plusieurs photographies d’Antoine s’injectant le poison interdit.
Beauté angoissante
Allons plus loin. Un tableau rougeâtre et noir m’intrigue. Je m’approche. Antoine y a glissé une série entière le représentant en plein acte sexuel avec une prostituée. On regarde chaque image, on se découvre voyeur … On s’approche si près qu’on oublie la galerie, on oublie les visiteurs qui nous entoure, on entre dans l’univers du photographe, on ressent son message.
Je reprends ma respiration face à un panneau composé d’une multitude d’arbres et de maisons. C’est beau et angoissant à la fois. Il s’agit d’une sombre forêt (Selva), jungle effrayante. Les pavillons en noir et blanc sont à Fukushima. Ces univers anxiogènes m’aspirent.
Cette exposition est envoutante car elle s’inscrit dans deux dimensions : l’esthétique et l’obsessionnel. Est-ce un propos de galeriste ou un propos de photographe ? La facilité du graphisme soutient évidemment la scénographie mais cela n’enlève rien à la noirceur du propos. C’est une exposition dont on ne ressort pas indifférent. L’intention du photographe est intacte, la puissance du travail est là.
Vous pourrez également repartir avec le livre ATLAS aux Editions Textuel qui vous permettra de prolonger l’expérience.
Maintenant, c’est A VOUS DE VOIR.