Ancienne capitale faite d’argent et d’esclavagisme, perchée au somment du monde, c’est pourtant de par dessous terre que viennent tes richesses et tes malheurs. Très longtemps, tu as nourri les rêves et les espoirs des colons venus te prostituer. Dans sa soif de découverte, il t’a transmis son virus. De lui, il ne reste que des façades, vestiges d’un passé qui te hante, comme ces cailloux miroitant un futur incertain auquel tu t’accroches. Ces cailloux semblables aux derniers jetons d’un parieur, sont le gouffre que reflète les yeux de tes enfants. Un jour vendeurs de friandises, un autre laveurs de vitres, ils errent avec les chiens des rues, attendant leur heure, bergers des villes. Ils sont condamnés. Leurs rêves ne se perdent pas dans les saveurs exquises des fruits de l’Asie, mais dans la chaleur d’un foyer qu’ils n’ont jamais connu. Leur vie est semblable à leur tâche, plus ils avancent et plus le chemin est étroit, irrespirable, sombre, éteignant les galaxies qui s’illuminaient autrefois dans leurs yeux innocents. Certains chanceux s’éteindront rapidement, sans faire de bruits, victime d’un gaz au milieu de la nuit noire. Les autres cracheront péniblement la poussière inhalée pendant des années, suffoquant, suppliant Tio - Dieu de la mine - que la mort les emmène loin d’ici. Tant qu’il y aura de l’amour et le présage d’un futur meilleur fait de richesse et d’illusions perdus, les pieds nus de tes mineurs, artificieuse Potosi, chevaucheront les pavés de tes rues à la recherche de ta gloire perdue. Puissent ils toujours s’exclamer « Plata ! ».