La Colombie est un pays avec un taux de féminicide très élevé. Par exemple, le pays a pu enregistrer plus de 300 féminicides en 6 mois en 2020, sans compter les plus de 16 000 femmes qui ont souffert de violences intrafamiliales pendant la même période. De manière cohérente, la Colombie peut être qualifiée de pays à la culture « assassine » couplée au « machisme ». Cependant, il y a un certain nombre de femmes résilientes, certaines discrètes, d'autres qui s'expriment beaucoup plus, mais dans les deux cas, elles se battent chaque jour pour une place équivalente à celle de leurs semblables dans la société. Ainsi, j'ai voulu rencontrer certaines d'entre elles à Medellín, de toutes générations et classes sociales, de tous horizons et histoires. Elles s'appellent Marta, Estefania, Claudia, Gloria, Michel, Neyson, Helena et Maria Lucila. Chacune d'entre elles représente une figure féminine puissante dans leur quartier, leur ville et même au niveau national. Certaines sont de grandes artistes, d'autres des leaders communautaires, des références dans leurs domaines. L'une d'elles est même impliquée en politique avec Estamos Listas, le premier mouvement politique composé de femmes colombiennes dans toute leur diversité ; des femmes de toutes les régions du pays et de 20 pays de la diaspora colombienne. À travers chacune d'elles, j'ai voulu valoriser l'image de la femme colombienne, trop souvent stéréotypée comme une femme sexy, facile ou vénale et instable. Les femmes que j'ai rencontrées se sont confiées à moi en vidéo, elles ont parlé pour des milliers d'autres et ont utilisé la photographie comme outil d'expression libre. Chacune d'elles portait un message de résilience et d'amour mais aussi de revendications fermes pour le pays et le monde. Les femmes que je voulais rencontrer dans cette partie du projet "La Vida Real" peuvent représenter par leur engagement, leur histoire, leur art ou leur beauté, une mère que je ne reconnaîtrai jamais. En effet, je n'ai pas la chance d'avoir des photos de ma mère, de ne pas me souvenir de sa voix, de ne pas connaître l'odeur de sa peau, tout simplement, ma mère est une formidable inconnue. Je dis souvent que mon histoire est liée à celle du pays, le narcotrafic, la guerre civile, la pauvreté, le manque de prévention pour la contraception, un cocktail laissant toute une génération à la merci de nombreux trafics. Mais une question se posera toujours parmi tant d'autres, une hypothèse, certes, mais crédible. Et si mon histoire était liée à un féminicide ?