Je traversais un pont de Paris. Au milieu de la foule et de l'agitation, un samedi après-midi de février, à plusieurs mètres devant moi, je les ai vus. Je ne voyais qu'eux . J'ai alors sans réfléchir couru pour leur emboiter le pas. J'aimais tout en eux. Leurs silhouettes, leurs vêtements, leurs coiffures et bien entendu le fait qu'ils se tenaient la main. Il y avait chez ce couple, ce petit côté intemporel qui n'était pas pour me déplaire car il faisait partie de ma recherche dans mes photos argentiques. Je suis restée derrière eux dans l'espoir que la voie se dégage et que je puisse les avoir seuls. Alors que je commençais un peu à désespérer, comme par magie, la foule s'est évaporée et j'ai pu les immortaliser. Plus tard, lorsque j'ai reçu le développement , la première chose qui m'a surprise dans cette photo c'était la dame. Cette femme de dos, son âge que l'on pouvait deviner, sa coiffure, son manteau de fourrure m'a immédiatement fait penser à Simone Veil. J'avais en tête cette fameuse photo prise devant le camp d'Auschwitz pour Paris Match en janvier 2005. J'avais l'impression que c'était elle de dos. Après avoir pris la photo, je les ai dépassés sans me retourner, sans voir leurs visages. Aujourd'hui, je m'interroge sur la vraie raison qui m'a poussée à les prendre en photos. Peut-être que sur le moment, inconsciemment, avais - je déjà pensé que cette dame ressemblait à Simone Veil.