Mélancolie
Melancholia est cette bile noire constituant en partie la nature du corps humain, selon les les premiers penseurs grecs au IIIe siècle. La genèse de leur réflexion provient de la logique des quatre éléments de la nature ainsi que des quatre qualités de la matière, à savoir le chaud, le froid, le sec et l’humide. Sont alors isolés dans le corps humain «quatre humeurs» selon Hippocrate (ou Polybe). Ces substances sont la bile noire, la bile jaune, la pituite et le sang. Issue de la couleur du rejet, la bile noire serait cette vapeur toxique, ténébreuse, engendrant la crainte, la peur, la colère et un profond chagrin. «Si crainte et tristesse durent longtemps, un tel état est mélancolique» - 1re définition tirée des «Aphorismes» d’Hippocrate. Nous pouvons ajouter à cette réflexion la touche du christianisme nommée l’acédie. Ce terme provient du grec akedia et signifie «négligence», «indifférence», «abattement de l’esprit» ou «ennui». Son évolution nous amène dans le mécanisme démoniaque, s’immisçant dans nos pensées, c’est-à-dire notre imagination, dans laquelle nous nous perdons. Ces pensées ne sont qu’illusions et amènent à un état léthargique et morbide. Cette mélancolie qui s’exprime par Satan parle du dégoût de l’action ; redevient génie au cours de la Renaissance et vanité dans le classicisme. Elle peut séparer le corps de l’âme pour l’amener à la création, à la sérénité éternelle. Douce rêverie et sage méditation, elle conduit l’individu sensible en marge de la société. Elle devient le rejet du réel, le spleen (retour au terme Antique de la rate), elle est la solitude. V. Hugo y voit une vertue positive, une «faculté inattendue» qui «permet à l’homme de prendre en pitié l’humanité», de «méditer sur les amères dérisions de la vie». La mélancolie est indéniablement liée au deuil. Elle est cette «dépression douloureuse» selon S. Freud, où la perte de l’objet se transforme en une perte du moi. Elle est l’ennui qui envahit, dans un monde vide et étranger. Elle revêt différents habits, sous des airs tantôt étranges, absurdes, possessifs, étouffants.