AVANT PROPOS Je ne sais pas si je suis allé au fond du sujet mais j'ai essayé de répondre à mes doutes devant la complexité de cette question. J'ai fait des recherches et j'ai trouvé quelques réponses. À partir de ça j'ai plusieurs conclusions qui pourront m'aider à développer mon projet. Je pense qu'en Europe ou au moins en France le problème vient des questions d'identité personnelle, de la recherche de soi, de l'absence d'éducation personnelle, institutionnelle et nationale. Il y a deux choses que j'ai commencé à prendre en compte; la première, l'histoire de l'objet, sa signification et son utilisation à travers l'histoire sociale et religieuse du monde, ses fonctions et en quelque sorte sa banalisation; et la deuxième, la valeur substantielle qu'il peut y avoir dans l'existence et la conceptualisation de cet objet, en ce moment, pour des nombreuses voix. Je suis cubain et quand je suis arrivé en France j'étais étonné par les habits que portent les Musulmans. J'adore tout ce qui est beau ou ce que je considère beau et, les habits m'ont captivé. Les tissus utilisés, les formes des coupes, la souplesse de leurs mouvements, ce qui cache et ce qui ne cache point, les couleurs ou l'absence de couleurs; sont les raisons qui m'ont attiré vers ces vêtements. Cependant la vision que j'avais en arrivant à Paris et la vision que j'ai eu il y a quelques temps, depuis mon arrivée, s'ont opposés l'une à l'autre. La première fois que j'ai vu une femme intégralement voilée, c'était à la sortie de la ligne 6. Une femme entièrement voilée au bras de son mari. Elle avait l'air doux et tendre et lui, au contraire, un véritable dindon, vêtu d'un short beige, et un t-shirt à rayures bleues, et chaussé de baskets blanches. Ce qui m'a interpelé le plus n'était pas ce qui "devait" m'interpeler sinon une idée parallèle. Pourquoi était-il aussi mal habillé? A-t-il des habits aussi distingués? Après quelques petites recherches je bien compris que si. Depuis mon installation à Paris, je commence à fréquenter de plus en plus les métros et à adopter "the parisian way of life", cependant, je regarde et je scrute chaque personnage que je rencontre. C'est donc, dans une de ces promenades que je vis arriver une jeune fille,complètement voilée qui s'assit devant moi. Elle était toute fermée, avec le regard bas sur son téléphone portable. Ce qui m'a choqué c'est qu'elle avait sous cette tenue noire une paire de baskets blanches, type « teenager ». Je me suis donc posé la question : qu'a-t-elle sous ses vêtements? J'étais anxieusement intrigué. Mais, bien plus que sa tenue sous ce djellaba*, ce qui m'obnubilait c'était son visage. Obnubilé pour ce visage caché j'observe ce qui le cache, ce voile à trois couches, ce niqâb*, cet outil mystérieux et fascinant. Intrigué, je pose la question dans mon entourage sur ces habits, en commençant, évidement, avec cette phrase: - j'adore la façon dont les femmes musulmanes sont habillés. Choc total dans la salle, regards surpris, regards inquiets accompagnés d'une phrase qu'on lance contre moi: - s'il te plaît arrête, tu me fait peur. C'est à ce moment que je perds mon enthousiaste naïveté et que je commence la recherche, qui aujourd'hui, m'amène à vouloir réaliser ce projet. Avant d'expliquer une thèse quelconque j'avais besoin de connaître mes possibles axes, avec ses détracteurs et ses défenseurs. En recherchant dans la religion, dans des textes sacrés, dans des interprétations, je trouve des origines probables. Les mentions du voile dans le texte du Coran sont assez pauvres et assez précises. Il n'y est pas présenté comme une invention, ce qui laisse entendre, que la pratique pourrait en être antérieure. Cependant il y a eu des faits encore plus forts que ceux qui apparaissent dans ces textes, les interprétations et les relectures, qui ont eu une grande valeur. À travers l'histoire du monde il y a eu du profit, de démagogie et du pouvoir, aussi dans l'islam. Le voile a eu plusieurs appropriations dans les pays du proche Orient et dans la Péninsule Arabique. Le porter a-t-il un rapport avec la religiosité de ses sources et de ses origines; la mise en place des mœurs et coutumes; l'appréhension de sa signification et de son identification; la symbolisation dans le monde et envers «le ciel»; l'adaptation et la réadaptation des sociétés, dans sa légalité et son illégalité? Cet instrument est devenu, d'une certaine façon, un symbole de l'islam alors que dans l'islam il n'est presque rien. Dans les développements du voile il y a eu des facteurs fondamentaux qui ont joué des rôles déterminants. L'un d'entre eux est la colonisation. Cette colonisation a provoqué un processus de dévoilement général dans les pays arabes. L'imposition des systèmes,lois, comportements et cultures a versé le dévoilement avec force, dans l'ordre civique, religieux, moral, social, cultural et physique ; les sociétés ont passé à, comme a dit l'essayiste et romancier Louis Bertrand dans un de ses ouvrages, «Le colon d'abord, l'indigène ensuite ». La femme a était presque le centre de cette colonisation. Le but des colonisateurs était de «sauver» les femmes, de cette «soumission indigne imposée par les hommes ». Plusieurs branches de la société occidentale ont fait partie de ce processus de colonisation, dont l'art, qui a « très bien » représenté l’hégémonie de ces jours et/ou la beauté de ces «pauvres femmes en misère». Nous retrouvons chez les peintres orientalistes une nudité spécial dans ses tableaux, spécial puisqu'ils nous montrent une réalité de femmes colonisées mais pas une réalité rural. La «citoyenneté » dans les hammam par exemple, où la femme montre sa nudité absolue, son relax, sa vulnérabilité. Il peut sembler évident alors, que la femme orientale de l'époque se voyait mieux, aux yeux des colons, toute nue, toute dévoilée. Durant cette période de colonisation les sociétés se sont mélangées. Les colonisateurs se sont installés chez les colonisés et les colonisés en revanche ont voyagé, émigré ou furent « importés » chez eux par les colonisateurs. Durant la deuxième guerre mondiale le nombre de tués avait explosé dans l'armée des colonies qui défendaient leurs intérêts, mais surtout, ceux des colons. Après cette guerre, chose obvie, plusieurs pays européens ont eu besoin de main d'oeuvre et, qui de mieux pour travailler que les originaires des anciennes colonies, ce qui provoqua alors, des vagues migratoires, des vies en marge à cause de promesses non tenues. De nos jours, l'histoire à légèrement changé. Plusieurs pays colonisés ont obtenu leur « indépendance » ; des sociétés se sont construites, des nouveaux gouvernements se sont instaurés et les peuples ont profité de leur «liberté». Malgré cela, ces populations, fragilisées par des gouvernants peu scrupuleux, une mauvaise gestion de leurs revenus, l'exploitation de leurs richesses nationales par les pays occidentaux, ont continué à s'exiler et tout faire pour rejoindre le « premier monde ». Plusieurs pays européens ont accueilli cette main d'oeuvre avec humanité, certains ont ouvert leurs les frontières et à toute cette immigration qui venait pour vivre, pour travailler, pour aider, pour fuir leur pays et surtout vivre en paix. A ce moment-là, les luttes pour l'indépendance ont vu le jour et les peuples ont abordé la question chacun à sa manière, certainement pas tous dans l'esprit de la Conférence de Brazzaville qui tenta garder l'essentiel de l'Empire Colonial dans une formule revisitée. Il faut chercher l'explication de la naissance en France du rejet de l'autre et de ce qu'on peut assimiler au racisme, malgré les efforts des démocrates comme le Général de Gaulle et de sa formule « Je vous ai compris »... On peut s'amuser de l'ironie de l'Histoire qui après avoir fait que la France se soit libérée grâce à la résistance de ses citoyens, elle ait dû essuyer la même résistance des citoyens d'autres pays pour se défaire de son emprise. Le terme « racisme » est impropre et les situations historiques difficilement comparables, mais tout de même : Indépendance il y eut, ce qui peut avoir été ressenti comme une vexation faite à l'ancien colonisateur, il y eut également des vagues migratoires issues de ces indépendances, vagues qui provoquèrent la crainte, il y eut en même temps un besoin de main d'oeuvre, mais comment expliquer que sortant à peine d'une lutte pour sa libération face à l'Allemagne nazie, laquelle s'est, débarrassée de ses Juifs en les massacrant ou en les rejetant à la mer, la France ait pu interdire l'accès à son territoire de ces mirants et que certains n'en soient guère choqués et admettent même ces politiques xénophobes ? Enfin, l'indépendance se paie de la vie. La question se pose alors, surtout aux héritiers de toute cette histoire, aux garçons et aux filles qui grandissaient avec un peuple qui leur ont imposé d'être français et en même temps leur reprochait le fait de ne pas avoir des parents descendants d'Astérix et Obélix. Une partie de la population française vitupère contre ceux d'entre eux qui étaient nés ici ou là; et épreuve le besoin de mesurer, ou de vérifier l'intégration de leur grands parents, parents, enfants, petits enfants ou arrières petits-enfants jugés « mal intégrés ». Situation particulière assurément, que celle de ces libérés qui gagnaient le territoire des colons car ils n'étaient pas encore libérés, face à des des colons nostalgiques de l'Empire qui ne supportaient pas de voir ces « indigènes » arriver « chez eux » avec la mentalité de libérés. Une guerre subliminale ou presque à partir des années 80. Par-delà toutes ces vicissitudes et polémiques l'humain, auquel je m'intéresse particulièrement dans ce travail photographique, s'est manifesté dans la peau du Français non français né dans une France en proie à la ségrégation. Dans ma recherche je me suis demandé quel pouvait être l'attribut ou l'objet capable de montrer et exprimer cet humain ? La parole est pas trop vulgaire ; l'action, quant à elle pas trop éphémère. L'image! Mais pas n'importe quel image ! Celle qui se montre et se représente chaque jour, l'image plate ou à deux ou trois dimensions, l'image « muette», l'image qui est offerte par l'être humain voilé ! Le voile, pourrait être un mécanisme de soumission, certes, lorsqu'il est obligatoire, mais au même temps il pourrait nous rendre soumis à ceux qui ne le portent pas, soumis à son passage ; soumis à sa fermeté ; soumis à ce qu'il envoie de nous mêmes. Dans la profondeur du voile noir il y a une sorte d'effet miroir, abstrait. Il est plus qu'un voile dans sa banalité citoyenne. Il existe une espèce de militantisme qui nous envoie des messages et des discours sans paroles, des discours visuels et spirituels ; ces messages ne font pas partie de toute la radicalisation et l'extrémisme qui est médiatisé bien évidemment. Je pense qu'il y a des inquiétudes non dissipées, des questions restent en suspens et des réactions tout à fait compréhensibles même si condamnables. Loin de la soumission phallocratique il y a quelque chose d'autre dans les voiles des femmes musulmanes en Europe même si plusieurs organisations et groupuscules féministes militent pour le dévoilement par principe, en oubliant la Femme qui est derrière et qui a ou aurait pu décider de le porter. Il faut faire attention au centre de tous ces groupes de ne pas tomber dans le piège de l'héritage de la colonisation. Les discours féministes se caractérisent par leur souci d'amener le débat sur le plan humain et démocratique, pendant que certaines idées imposées peuvent avoir un effet contraire. Si ce qui fait le « buzz » est le sujet d'une bataille morale et politique il faudra alors limiter les discours à quelques commentaires sur les réseaux sociaux. Si nous réfléchissons, nous pouvons comprendre que nos peurs et nos prises de paroles sont un peu insensées car dans presque tous le discours religieux, que portent certaines de ces filles voilées, on pourrait déceler une faiblesse éducationnelle et culturelle car, essayer d'imposer une image, dans une religion qui rejette par principe l'image en soi même, est assez paradoxal. PROJET Ce shooting travaillera la nudité et le voilement, deux clichés qui se superposent et qui sont porteurs d'une transparence profonde. Cette juxtaposition du voile dans les sociétés occidentales fait appel à une curiosité visuelle qui rend possible mon exploration photographique. Avec la combinaison du niqab, de la djellaba et du nu, j'essaye de faire apparaître l'exhibition de la dissimulation. A l’aide de ce trois symboles je propose de faire une déconstruction photographique avec une optique stylistique, en mettant des clichés photographiques en fonction de la beauté ; la beauté appropriée par le sujet et comme rapport entre les individus et l'art. La manière dont le corps et le voile sont perçus par l'oeil forme une image mixte et séduisante. Le nu et le voile mettent en valeur l'idéal de beauté, l'idéal de pureté. Parmi les photographies exposées certaines pactisent avec quelques codes de la renaissance et du maniérisme tel que le drapé, les formes du corps, la recherche de mouvement, la lumière naturelle, etc. Par ailleurs j'ai voulu rendre hommage à certains mouvements picturaux en traitant les couleurs et la lumière, le suprématisme et l'abstraction. Le blanc de la chair illuminé par la lumière naturelle et le noir du voile qui se pose sur le corps répondent à des codes de couleurs qui s'entrelacent. La force d'imposition reflétée par ces couleurs nous situe sur des possibles icônes minimalistes. L'utilisation du noir et blanc surexposés crée sur le modèle une dématérialisation et une dénaturalisation du sujet, en laissant seulement les yeux comme expression figurative dans la photographie. Dans l'espace blanc le voile noir s'impose et crée des formes presque iconiques. Les codes utilisés par le voile aujourd'hui sont comme ceux de la mode : émetteurs- message-récepteurs. C'est une méthode de communication dont je fais partie et que je veux exploiter en exposant mes photographies. Mon objectif est de montrer le voile dans sa simplicité et de réveler la nudité de celles qui le portent tel que je l'observe dans le quotidien et me le répresente dans mon imaginaire. Le voile dans son port et ses drapés, est d'une beauté sublime et, mélangé à quelques touches d'art, il peut offrir des résultats spectaculaires. Ce sont des photographies dont l'esthétique fut obtenue directement durant le shooting et les retouches furent très négligeables.

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