Malou
L’acte photographique me permettant de dépasser ma propre timidité, comme une ouverture vers l’Autre, un rapport privilégié, une autorisation spéciale, d’autant plus qu’avec le temps je ne vais plus n’être qu’un simple témoin, puisqu’avec la dégénérescence, je vais devenir un des « aides-soignants ». Une proximité supplémentaire, et un double rapport humain et artistique. Le rapport n’est plus le même, quand vous photographiez certes encore, mais que vous nourrissez aussi votre sujet. Justement revenons à celui-ci : Malou. Malou, une grand-mère pas comme les autres, comme la mienne? Malou, c’est Marie-Louise, comme ma grand-mère. Il y a quelques années, j’avais écrit un court-métrage, avec ma grand-mère comme personnage clé. Peut-être que je cherche à rattraper un temps perdu, les derniers temps, où elle ne me reconnaissait plus et où la voir était trop douloureux pour moi. Il parait qu’il n’y a pas de hasard C’est aussi regarder la mort en face, voir la détresse d’une vie trop longue. 95 ans dans quelques semaines et l’entendre me dire comme le temps est long, jusqu’à 80 oui mais là c’est trop… Moi qui ai toujours eu le pressentiment que je me suiciderais pour justement échapper à cela! Je n’échapperais à ce sujet. Les photos sont rares c’est plutôt le temps passé avec vous chère Malou qui importe, je voulais absolument ne rien vous voler, avoir votre consentement, partagez ce « travail ». Je voulais vous montrer à quel point la vieillesse pouvait avoir une certaine beauté. Votre verdict fut sans appel : « Qui est cette femme qui porte la même chemise que moi, qu’elle est laide », puis violente « ce n’est pas moi » regardez-moi le jour de mon mariage. Elle pointe du doigt la photo sur l’armoire. Le temps de la splendeur? Vanités??? Notre passage, a-t-il un sens, quelle empreinte y laisserons-nous ? La vieillesse est un chemin mystérieux et Malou un mystère de la science, en regardant mes images à chaque fois je suis saisi par les changements physiques incroyables, sur certaines images je ne vous reconnais plus. On croit que c’est fini : elle ne mange plus, elle part à l’hôpital, les médecins nous annoncent que… Et bien non, comme celui qui ne veut plus vivre mais qui au moment de se noyer se débat pour respirer. Elle s’accroche. L’instinct de survie. Alors que sa vie semble n’avoir plus de sens, elle est sourde, elle ne mange quasiment plus, elle ne voit pas bien, ne parle que rarement, la télévision comme une présence qu’elle ne comprend plus est là en permanence. Et le réflexe de vie est là : terrifiant et fascinant. 2015 Malou à l’Open Show Paris dans le cadre des Nuits Photographiques. 2015 Malou au Festival Présence(s) à Montélimar. 2014 Malou Coup de cœur pour Le Mois de la Photo à LA PARENTHÈSE FREE(LENS) à la Gaité Lyrique en partenariat avec la MEP 2013 Malou sélectionné aux Nuits Photographiques & Finaliste du concours Sophot.com Il existe aussi un film photographique Visible ici : http://fabriceleroux.com/malou/