« La nouvelle génération de photographes s’embarrasse décidément bien peu du cadre. Elle en déborde, joue avec les genres, brouille les pistes, mêle la peinture, le digital et l’archive - ou pille Google Image. La jeune génération réinvente un art qu’on aurait tort de croire figé : le passé s’infiltre dans le présent, les images d’archives côtoient le contemporain, le digital déborde, envahit le portrait et l’auteur disparaît derrière l’immensité du web », Jean-François Chevrier et Michael Fried – Revendications sur la photographie picturale. Partant de ce constat, Under the Influence se veut un travail autant sur le pouvoir que sur la croyance photographique. Pour cela, j’ai choisi de développer une approche interactive de la façon dont les images seraient regardées dans un environnement dénué de contraintes d’argent, de travail ou d’architecture. Certes le medium photographique est utilisé mais davantage comme un outil au service d’une démarche artistique. Tel un rendu architectural à haute résolution, les images oscillent entre la rhétorique visuelle du réalisme photographique et la séduction artificielle de la photographie publicitaire. Elles dépeignent un monde de détails élevé, un monde de sensations dans lequel les mains gelées saisissent, atteignent et révèlent des indices forensique tel un mystère qui se trouverait quelque part hors du cadre. Le mystère étant l’élément immuable à ce processus photographique, seules des parties du corps humain peuvent être vues dans ces clichés. Trop vagues pour servir de preuves documentaires (il ne serait pas possible d’identifier une personne ou une activité particulière), ces photographies offrent une vision étrangement éloignée de la ferveur physique et spirituelle, mettant en avant des sujets avec une expérience de première main, jouant sur notre réaction viscérale à travers des sensations brutes au sein d’un environnement hyper-réel dans lequel se produirait des révélations intérieures. Cherchant à décrire les limites de l’expérience humaine, j’ai voulu recréer une impression de vertige: on ne sait plus ce qui est réel, ce qui est mis en scène; je brouille les frontières. Car si les portraits, la publicité, le documentaire, m’intéressent ; je laisse ici les spectateurs se faire leur propre idée de ce qui se présente à eux. Est-ce du documentaire? Une série pour un magazine? D’où viennent ces images? Si la photographie n’est plus une fin mais un moyen cherchant à transcender le réel; l’interprétation est très libre: c’est à vous de trouver la réponse… En effet, si ‘’le tableau doit être autonome, un monde à lui-même, dans lequel nous pouvons projeter nos pensées sans être pris dans aucun décor extérieur de théâtralité’’ ; dans cette série la photographie offre davantage un mode contingent et complice d’exploration. Il s’agit moins d’un «modèle d’expérience» que d’une quête d’expérience, utilisant diverses formes d’imagerie peu fiables pour réactiver l’imagination du spectateur.