The crying flowers
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  • Valentin Delvallez

    Je m’installe dans une auberge située à quelques pas du centre d’Alicante. J’ai besoin d’une bière pour relâcher un peu la pression. Je n’ai pas de mal à trouver un bar. Je m’installe au comptoir. Une pinte de Guinness vient prendre place en face de moi. Je lui jette un sort. Une seconde bière apparaît à côté d’un type qui doit mesurer pas loin de deux mètres et peser au moins 100kilos. Il s’accoude, c’est certainement un magicien aussi. Il commande une bière, me regarde et me lance un « cheers ». Il me demande ensuite quel est la traduction de « cheers » en espagnol. Sa voix et son accent ne collent pas avec le personnage, ça le rend moins impressionnant, plus familier. Il me demande d’où je viens et lui retourne la question. Le type ne sait pas bien me répondre, Ukraine, Russie, il ne sait plus. - « Je veux dire que je suis né en Ukraine, mais que j’ai vécu tellement longtemps en Russie, que je ne sais pas bien dire si je suis plus Ukrainien que Russe ou bien l’inverse ». - « Vous êtes ici à cause du conflit ? » - « En partie, oui. » Il n’a pas l’air trop bavard, manque de bol, ce n’est pas mon fort non plus. C’est là que la bière entre en jeu. Après un court silence, il enchaîne : - « D’abord il y a eu le covid, et maintenant le conflit. Je travaillais dans le tourisme à différents endroits. » - « Vous cherchez à présent à vous installer à Alicante ? » - « Oui, je suis venu plusieurs fois dans le passé, j’aime le climat, il y a beaucoup de touristes et j’ai l’impression d’avoir des repères. » Je lui demande ce qu’il pense du conflit, il me répond qu’il n’y comprend rien, que les Ukrainiens et les Russes se demandent tous quel est le but final de ce conflit ? Et que personne ne semble pouvoir répondre à cette question. Il me retourne la question en me demandant ce qu’on en pense en France ? Est-ce qu’on s’y intéresse vraiment ou est-ce que c’est comme un autre conflit qui se passe loin de chez nous et dont nous ne nous soucions guère ? Je lui réponds que je suis en Espagne depuis le début du conflit, mais que le gouvernement français et que les français ont l’air très soucieux de ce conflit et de toutes les conséquences qu’il entraîne et qu’il entraînera. Nouvelle tournée, cette fois-ci une assiette de cacahuètes vient compléter notre tour. Constan est lancé, il m’explique qu’il a eu différents métiers au cours de sa carrière, qu’il a été manager de plusieurs hôtels et que récemment il développait des activités pour les adolescents dans des clubs de vacances. - « Au début je me focalisais que sur la plongée, mais tu comprends les leçons ne durent qu’une à deux heures et les parents quand ils sont au club, ils ne veulent pas avoir à s’occuper de leurs gosses. Eux, ce qu’ils veulent, c’est être pénard et profiter du all-inclusive. D’un côté tu as la nana qui bronze et qui regarde les autres derrière ses vitres teintées, et le type, de son côté, est occupé à lâcher des rires bien gras pas loin du bar avec un cocktail à la main et une clope au bec. Alors j’ai commencé à proposer d’autres activités comme l’équitation, le tennis ... Puis le covid est arrivé et maintenant la guerre. J’ai dû arrêter mon activité pour différentes raisons. » Je n’ose pas creuser plus sur les différentes raisons, je me contente d’acquiescer et le laisse parler. - « Depuis que je suis en Espagne j’envoie des CV tous les jours, même dans des poneys clubs, pour nettoyer les box s’il le faut car ça me plaisait le travail avec les chevaux. Mais je n’ai pas de réponses, c’est difficile ici quand on ne parle pas espagnol. Alors, je prends des cours particuliers et je me suis inscris à un cours collectif également, je me dis que ça sera peut-être plus facile de retenir avec les autres. Cette langue ne ressemble en rien à la mienne et j’apprends moins vite que quand j’avais 20 ans. Parfois je me lève le matin et je ne me souviens plus de ma leçon de la veille. Hier, j’ai perdu des êtres qui m’étaient chers et je suis sans nouvelles de certains d’entre eux. Je ne sais pas ce qui se passera demain. » Il a l’air perdu, limite abasourdie d’être là, dans une telle situation. Qu’est-ce-que j’aurais bien pu lui dire à ce moment-là ? Qu’est-ce-que j’y connais moi à la guerre ? J’accompagne son regard et ses incertitudes, on se noie respectivement dans le fond de notre verre. Après quelques instants, il relève la tête et commande un verre de lait. Là, dans le fond d’un bar d’Alicante, ce grand bonhomme redevient un enfant. Un enfant qu’un verre de lait vient réconforter avant d’affronter la nuit sombre qui l’attend.

 

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