Il y a quatre ans, j’ai vécu chez mes grands parents. A cette époque la maladie de ma grand mère était déjà présente. Malvoyante et fortement diabétique, cette maladie c’est aggravée aujourd'hui. Je vois mon grand père au service de ma grand mère. Je vois un homme qui ne peux pas rester sans activités, ayant du mal à comprendre la maladie de sa femme, parfois en la dénonçant de faire semblant de ne pas voir. Je suis le spectateur de vies communes et différentes à la fois, une vie où les rôles s’inversent. Cet homme avait l’habitude d’être servi par sa femme, mais aujourd'hui il doit « faire » à la place de son épouse et pour son épouse. Il sort et vaque à ses occupations, tandis qu’elle ne peut que rester dans sa maison et attendre. Elle attend que quelqu’un lui rende visite car elle passe ses journées seule. Mais lorsqu’elle voit sa soeur, la communication visuelle s’avère difficile. Les deux femmes malvoyantes dialoguent sans pouvoir se regarder. Quatorze médicaments, trois piqures dans le doigt et une piqure dans le ventre, c’est le quotidien de ma grand-mère diabétique et quasi aveugle. Cette série dévoile les actions de chacun au même moment de la journée. J’ai pu constater qu’il était difficile de se mettre à la place de l’autre lorsque nous n’avons pas les mêmes capacités. J’ai pu voir aussi à quel point il est difficile de rester chez soi lorsque votre femme n’a plus la capacité de voir et de vous voir. On retrouve alors une volonté de fuir le quotidien de l’autre. On retrouve aussi cette chose qui fait que nous ne pouvons rien faire sans l’autre. Ce n’est pas véritablement ce souvenir que je voudrais avoir d’eux, mais c’est ce qui représente le plus ce que je connais d’eux. Ces photographies ont été prises sur le vif, sans mise en scène, sans artifices. A aucun moment je ne voulais brusquer leur quotidien. Chaque photographie montre quelque chose allant au delà de ce qui est représenté. En terme de présentation, elles sont montrées en diptyque, mais une image seule scinde la série en son milieu. Cette photographie est essentielle pour comprendre le lien fort qui unie mes grands parents.