Chaque année la grande messe de la photographie réunit au Grand Palais des galeries du monde entier venu présenter leurs artistes. Pour les non-initiés, je précise qu’il ne s’agit pas du « Salon de la Photo » qui rassemble les fans de techniques à la Porte de Versailles.
« T’es guest ? T’as un badge ? »
Des questions qui fusent déjà aux pieds des marches de la rotonde Alexandre III. Car pour beaucoup Paris Photo commence par une chasse au sésame qui permet de pénétrer par la petite porte avec les « happy few » de la Photographie. Je m’amuse du ballet qui se joue devant moi. Des jeunes filles branchées – iPhone à l’oreille – tentent immanquablement de joindre un « ami » censé les faire entrer. On se croirait à la fashion-week.
Il est midi, tout le monde se bouscule aux différents vernissages. Les coupes de champagne tintent, les petits fours défilent. Un seul sujet occupe l’ensemble des conversations : la victoire de Donald Trump aux éléctions présidentielles américaines. Les artistes et leurs amis sont choqués, surpris, inquiets. Mais bon, l’indignation ne dure pas… Les petits salés sont vite engloutis et les flûtes se vident sans modération. Ce n’est quand même pas mal la France hein ?
Omar m’a photographié !
Pour sa 41eme année, Le Groupe Pernod Ricard a offert une carte blanche à un artiste dans le cadre de son mécénat culturel. Succédant à Li Wei, Omar Victor Diop présente MINDSET. Pour cette commande shootée à Johannesburg, il a photographié 17 portraits de collaborateurs du groupe, revêtus des costumes spécialement créés par la styliste dakaroise Selly Raby Kane. Les tenues sont ornées de blasons à l’effigie d’autres personnages.
Omar s’est inspiré de la culture des « wax commémoratifs », tissus africains imprimés pour des occasions particulières mettant à l’honneur un défunt, une star, un homme politique. La série « Mindset » présente des collègues parfois très éloignés mais qui partagent un même quotidien.
Cette commande « corporate » n’a pas empêché un véritable travail de création. Omar décrit l’expérience comme un projet participatif où la richesse des échanges a pu aider les modèles a supporté les heures de pose. J’ai beaucoup aimé cette série. Soit dit en passant, il s’agit d’un magnifique cadeau fait aux collaborateurs par leur entreprise.
Retrouvez l’interview d’Omar Victor Diop par Brigitte Patient sur France Inter.
La jungle des galeries
Une fois les vernissages officiels terminés, il faut se lancer à travers les allées, plonger à la découverte de nouveautés, mais pas seulement. On passe d’une case à l’autre en espérant voir son œil accroché par une image. À vrai dire je suis vite saoulé par l’offre abondante de propositions artistiques qui s’enchaînent les unes derrière les autres. Sans réellement savoir ce que je regarde, je finis par ne plus savoir ce qui me plait.
L’œil acéré du galeriste qui lit en vous tel un scanner (enfin il lit surtout votre découvert bancaire) vous identifie comme un flâneur et vous fusille du regard ?? Je m’éclipse rapidement sans avoir pu apprécier ce que je regardais. Dans cette jungle, certaines armes me manquent. Heureusement que des coups de cœur vont me permettre de survivre…
* Elene USDIN, Galerie Esther Woerdehoff.
La série « Les Habitants » regroupe des œuvres uniques et c’est cela qui me plait. L’artiste revisite des portraits en peignant des costumes inspirés par les maitres de la peinture. C’est en s’approchant de très près que l’on voit avec quelle finesse et qu’elle maitrise Elene recouvre ces photographies d’une dentelle de peinture.
* Wang NINGDE, « Form of Light », (M97 Gallery).
Une belle découverte. Cet artiste explore les éléments fondamentaux de la photographie pour « écrire avec la lumière ». Un assemblage de petites lamelles de plastique qui, en jouant avec les ombres, viennent dessiner une image.
* Joe Kesrouani, « City of Light » (Galerie Odile Ouizeman).
La galerie présente un dialogue entre Joe Kesrouani et Mehdi Meddac. Les images de Beyrouth de Joe Kesrouani sont envoutantes. De ces images transpire la force de la ville et même si elle semble immense, le ciel noir semble peser lourdement sur la tête de ses habitants.
* Scarlett Coten « Mectoub ».
J’ai rencontré Scarlett à Arles il y a 2 ans. Son travail sur la diversité et l’identité de la gente masculine au Maghreb et au Moyen Orient m’a beaucoup touché. Elle est présentée à Paris Photo dans le cadre du prix Leica Oskar Barnack Award 2016 qu’elle a remporté.
La douceur du livre
Comme moi vous n’avez plus la place d’accrocher le magnifique tirage de Diane Arbus à 150.000€ et vous avez donc décidez de ne pas l’acheter tout de suite. Pas grave, il vous reste les livres. Car Paris Photo rassemble également de nombreux éditeurs dont l’accueil contraste avec celui des galeristes.
En serpentant entre les allées, on peut se faire plaisir et repartir avec un bout du travail de son coup de cœur pour quelques dizaines d’euros. Pour ma part j’ai choisi de repartir avec « California, Fashion Eye » par Kourtney Roy, édité par Louis Vuitton. J’adore l’approche décalée et faussement vintage de Kourtney. Une artiste à surveiller de près.
Paris Photo est avant tout le rendez-vous des professionnels et des collectionneurs. On s’embrasse, on se croise et on vend. Il est difficile pour les simples curieux ou amateurs de réellement apprécier ce qui y est présenté.
Bref, je repars de Paris Photo avec l’impression de m’être un peu perdu dans un lieu qui ne m’attendait pas,
avec un livre en poche,
la certitude que le mini-club-sandwich le plus cher de Paris se trouve bien ici,
des pieds ruinés,
mais avec quelques belles images en tête,
et ça, c’est le plus important.
Jonathan Lang