« La porte arrière de l’hélicoptère est ouverte aux passagers pour le survol de la barrière de corail. Nous sommes quatre. Le pilote accompagne de la main les trois premiers en leur désignant une place à bord, à l’arrière. À mon tour d’embarquer. Un pied sur l’escabeau, je croise son regard bleu au travers de ses Ray-Ban. Il m’arrête et montre du doigt le Nikon F6 suspendu à mon épaule « what a nice camera you have here – you’re into photography ain’t you? ». Je hoche la tête. Il me répond « then I’ve got something big for you » : il me montre la place du copilote à côté de la sienne. « Mets-toi plutôt là, à l’avant, regarde, c’est vitré partout, devant, toute la portière, au-dessus de la tête et même sous les pieds ! Ici tu vas t’amuser ! Mes yeux brillent comme ceux d’un gosse qui vient de voir le Père Noël, je ne sais comment le remercier. Il me coiffe d’un casque et m’explique que je ne dois surtout pas parler, car à cette place-là ça parle au contrôle aérien ni toucher à quoi que ce soit. Le cockpit est littéralement baigné de lumière. La machine prend lentement son envol, ça y est, on ne touche plus sol, on est suspendus dans les airs. Je pose vitesse et ouverture, objectif sur l’infini. On s’élève, un tour sur nous-mêmes, et voilà maintenant le sol qui défile à toute vitesse sous nos pieds. Je vole. C’est énorme. Soudain, ça devient tout bleu, c’est la mer en dessous et l’orage au-dessus. C’est immense. Il me jette un regard et le sourire satisfait de celui qui sait qu’il est en train de te faire plaisir. Un cadeau extraordinaire. Je devine dans ses yeux le « je te l’avais dit, c’est génial d’ici, non ? ». Carrément. Un petit point blanc se rapproche à toute vitesse. C’est un voilier. Je cadre et déclenche. C’est de l’argentique et je ne saurai le résultat que plusieurs jours plus tard. De retour à Sydney le laborantin place soigneusement les dias une par une et cote à côté sur la table lumineuse et me tend un compte-fils. Et, au milieu du damier coloré, la photo du voilier est là. »
© Van B.