« Photographier, c’est une certaine philosophie de vie  »

par Wipplay
© Lsarah Dubas

Une fois de plus, Wipplay s’est associé à la région Île-de-France pour organiser un concours photo à l’occasion d’une nouvelle édition de Jardins ouverts, la manifestation estivale qui met en avant le patrimoine naturel francilien. Parmi les près de 1500 propositions reçues pour ce cru 2024 autour du thème "Corps et Jardins", c’est un cliché signé L SARAH DUBAS qui a obtenu le premier prix du jury. Nous avons souhaité en savoir plus sur cette photographe, qui se livre dans l’entretien ci-dessous. Bonne lecture !

Commençons par votre parcours : d’où venez-vous et, comment débute votre passion pour la photographie ?

Je suis née sous le ciel des Flandres, à Lille, d’une famille émigrée de Varsovie avant la guerre. La côte belge était le terrain de jeu de mon père qui nous photographiait, mes frères et moi, sur les plages, dans les dunes…Kodak se chargeait de donner des couleurs à la mélancolie du Nord et d’immortaliser notre enfance dans les diapos visionnées les dimanche de pluie ! Les plages resteront un lieu de prédilection et, plus tard, moi aussi je fixerai ces bonheurs éphémères dans la série « Children of the beach ».

Vers 14 ans, je commence le théâtre. Je tombe en amour passionné avec le cinéma italien, les peintres flamands m’attirent autant que les artisans de la lumière ou de l’Ecole de Paris. Je rêvasse sur les sublimes iconographies de Don Quichotte ou de Lewis Carroll…Tout est volcan à 17 ans, l’âge où je viens à Paris – j’y vis toujours. Plus tard, la vie farceuse m’emmène sur les chemins de l’écriture, de la mise en scène, de la poésie. Ce n’est que vers 2014 qu’arrive la photo telle que je la pratique actuellement.

©LSarah Dubas

Travaillez-vous sur des projets en ce moment ? Si oui, lesquels ?

Je poursuis le travail qui a été fait en 2020 pour 3 expos qui avaient été annulées pour cause de pandémie : « Woman », « La baigneuse » (les plages et la couleur), et « Eat the color » dans la série « Children of the beach ».

J’aimerais poursuivre les livres photos, façon journal de bord. Vers 2008, j ai créé un roman-photos plutôt surréaliste « Vid’Ange » dans le petit monde privilégié qu’était à l’époque Myspace, monté plus tard en vidéo : cette forme photo/texte/collage m’intéresse aussi pour des archives de famille. Côté projets, il me faudrait réorganiser mon site personnel mis de côté depuis longtemps, trouver un atelier sur Paris et voyager pour photographier parce que, dans ma vie d’avant, je voyageais sans appareil…

©LSarah Dubas
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Quelle est votre méthode de travail ?

Plutôt anarchique : je passe un temps fou à retrouver mes photos ! Autodidacte, je prends toutes les libertés. Avancer d’accident en accident comme disait le peintre Nicolas De Staël… Je ne contrôle jamais sur l’appareil ce que je photographie : j’ai un rapport charnel à l’objet, dans un état un peu second, je découvre ensuite le résultat sur l’ordinateur…qui n’est pas toujours ce que l’on pense avoir photographié !

Je consacre pas mal de temps à la post production, complémentaire à la prise de vues. Chaque photo impose son langage, autonome, c’est un champ d’expérimentation. Liberté de l’œil et de l’imaginaire : la beauté d’une photo, c’est l’émotion qu’elle suscite, comme les êtres. Elle peut être pleine de défauts mais s’imposer comme une évidence.

La création est une obsession, présente tout le temps, et photographier s’apparente à une certaine philosophie de vie : elle apprend la patience, comme une mise en abîme de vous-même, une chasse au trésor… »Ce que nous voyons n’est pas fait de ce que nous voyons, mais de ce que nous sommes », écrivait Pessoa.

©LSarah Dubas

En termes de rendu photographique, recherchez-vous quelque chose de particulier ? Pouvez-vous nous livrer des secrets de fabrication/astuces ?

Selon les thématiques, les techniques varient. Mes premières séries « My spirit », « Swimming pool », « Children of the beach » sont parfois proches des impressionnistes et pictorialistes, comme ce qu’il reste de la vision lorsque l’on ferme les yeux, ce qui surgit de la mémoire. On me disait “ca ressemble à une peinture”, et oui, j’aime brouiller les pistes et croiser différentes techniques… Bouger l’appareil, photographier derrière un plastique, superposer les photos…La photo doit garder son pouvoir d’émerveillement, les making of ne m’intéressent pas.

Parlons de la photo qui vous a valu le premier prix du concours « Corps et Jardins » : quand et où avez-vous pris ce cliché ? Racontez-nous le contexte.

Je me trouve à la Fête foraine du Jardin des Tuileries avec deux sœurs jumelles rencontrées quelques jours plus tôt, c’est l’été, la canicule, elles se rafraîchissent avec des crèmes glacées allongées dans l’herbe fraîche. Il y a ces couleurs bleu vert, la nudité des jambes, le soleil qui fait fondre trop vite les glaces, l’innocence d’ une première vision du monde. Un conte d’été- j’enchaîne plusieurs photos dans ce vert, c’est un mirage, dans ma tête il y a Gauguin, Van Gogh, les bleus et blancs de De Staël…Un grand manège : Rohmer tourne la roue.

  • ©LSarah Dubas © Lsarah Dubas
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Dernière question : parmi tous les talentueux utilisateurs Wipplay, est-ce qu’il y a un (ou plusieurs) compte(s) dont vous appréciez particulièrement le travail, et que vous conseilleriez ?

Il y a beaucoup de talents sur Wipplay !

J’aime m’y balader au hasard du site et des coups de coeur qui sont nombreux, pour n’en citer que trois :

La diversité des travaux de Morfeuh (Philippe Romeuf), ses séries « Wild horses » « White winter ».
Le travail élégant et minutieux de Benoit Daynes ses lumières son éclectisme…
L’humour de Lecok etc etc et plein d’autres talentueux !

©Benoit Daynes