«Mieux vaut une photo floue dans l’instant qu’une photo prise trop tard» 

par Wipplay
© Comikanalog

FLORIAN MERLET, alias Comikanalog sur Wipplay, a remporté le concours MOUVEMENT (S) organisé avec le festival Les images de Blanche. Sa photo mettant en scène des personnes en mouvement dans de l’eau lors d’un triathlon, lui a valu le premier prix du jury parmi toutes les photos participantes.

Dans cet entretien, il nous dévoile son parcours : de sa passion pour le surf à la photographie en passant par son rêve de publication d’un livre.

© Comikanalog

Commençons par votre parcours : d’où venez-vous et où êtes-vous basé actuellement ? Et, comment débute votre passion pour la photographie ?

J’ai grandi en région bordelaise, bercé au rythme des vagues. Ma première passion, c’est le surf que j’ai pratiqué intensément jusqu’à m’éloigner progressivement de l’océan pour des raisons professionnelles. Depuis 5 ans, je vis à Hambourg, en Allemagne, où je travaille comme ingénieur en installation d’éoliennes en mer.

Mes débuts en photographie sont très liés à ma pratique du surf. Cela a commencé par une GoPro reçue en cadeau pour filmer mes voyages de surf entre amis. J’ai gagné plusieurs prix dans des festivals ou concours de films de surf, ce qui m’a motivé à acheter mon premier DSLR -appareil réflex numérique- pouvant filmer, pour documenter mon année de césure en Australie en 2012. A mon retour, je me suis dégoûté du montage vidéo à trop vouloir sortir « la » vidéo de surf parfaite, qui n’est jamais sortie d’ailleurs. J’ai alors commencé à utiliser mon appareil pour la photo, d’abord en paysage et, à partir de 2017 en argentique, avec une pratique plus orientée vers la photo de rue.

Travaillez-vous sur des projets en ce moment ? Si oui, lesquels ? 

Mon principal sujet est autant ma famille, ma vie, que les voyages ou les rencontres. Ce sujet s’est imposé au fur et à mesure de mon exploration photographique, à la recherche de ce que je pouvais raconter de personnel et d’intéressant. Cela a commencé par plusieurs années dans un pur style photo de rue, mais je me suis rendu compte que je n’avais pas de lien particulier avec les inconnus photographiés dans la rue, et ce lien est important pour moi. En 2019 et 2023, je suis devenu père, ce qui m’a recentré sur un cercle plus intime. Je commence actuellement l’édition de ces 4 premières années en tant que père, et j’aimerais idéalement aboutir à un livre.

Quelle est votre méthode de travail ?

J’ai mon appareil constamment sur moi, au même titre que mon smartphone, mes clés et mon porte-monnaie. C’est un petit télémétrique argentique, toujours sur « on », dont l’objectif (un 35mm) n’a jamais de cache avant. En sortant de chez moi, je règle une première fois l’ouverture et la distance de mise au point en fonction de la lumière et de l’endroit où je vais. De cette manière, je peux oublier l’appareil, et si une situation se présente, j’ai juste à cliquer sans me préoccuper des réglages. Je cadre à l’instinct car il vaut mieux une photo floue dans l’instant qu’une photo prise trop tard. D’ailleurs, je ne sors jamais « faire des photos » : je laisse les situations venir à moi sans les forcer. Bien sûr, ma curiosité naturelle me pousse à suivre, attendre, ou modifier mon chemin dès que quelque chose d’intéressant se présente à moi.

En termes de rendu photographique, recherchez-vous quelque chose de particulier ? Pouvez-vous nous livrer des secrets de fabrication/astuces ?

Je cherche surtout à capturer l’émotion du moment avec une composition dynamique proche du sujet. Je fais principalement du noir et blanc pour deux raisons : la première est pratique, car je peux développer et tirer mes photos à moindre coût ; et la seconde est que je ne sais pas encore prendre de bonnes photos en couleur. J’adorerais. Un de mes photographes préférés est Alex Webb, qui associe à merveille les couleurs et les compositions. Mais lorsque j’essaye, mes couleurs polluent trop souvent la composition. J’y reviendrai sûrement.

Concernant les conseils, j’en aurais surtout sur la prise de vue car je néglige, à tort, le post-traitement, me limitant simplement à peu ou pas de retouches sur mes scans de négatifs. Comme je le disais plus haut, je conseille un appareil photo à portée de main, prêt à photographier. Si vous ne savez pas quel appareil, prenez celui que vous avez déjà ou un qui vous donne envie de photographier sans se soucier de ses spécifications. Et surtout, aiguisez votre oeil en allant à des expositions photo ou en feuilletant des livres photo. Le youtubeur Thomas Hammoudi recommande de réserver 10% de son budget photo à des livres ou des expos, et c’est un excellent conseil. Cela permet aussi de se limiter sur ses achats de matériel photo, et à terme, de se détacher de l’importance d’avoir un bon appareil. J’ai par exemple pris cette photo que j’adore avec un Vivitar Mariner, un appareil tout en plastique, sans mise au point et qui n’a qu’une seule vitesse.

© Comikanalog

Parlons de la photo qui vous a valu le premier prix du concours MOUVEMENT : quand et où avez-vous pris ce cliché ? Racontez-nous le contexte. 

Cette photo a été prise en mai 2018 lors du départ du triathlon de Lacanau. J’étais venu encourager un ami triathlète belge. La veille, j’avais reçu un appareil photo argentique étanche, le Nikonos V, que je comptais utiliser pour des photos de surf. C’était l’occasion idéale pour le tester ! J’ai cherché à m’avancer dans le lac pour avoir une composante aquatique et j’ai choisi le côté à contre-jour, avec déjà en tête l’idée d’une photo contrastée. Je pense, sans le savoir, que j’étais influencé par les photos sous-marines du départ de l’Ironman de Kona, à Hawaï… Le reste, c’est un peu de la chance. J’ai pris 5 photos du départ, et c’était la 6ème photo sur cette pellicule de test. Voici celles d’avant et d’après.

 

© Comikanalog
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Votre photo fait-elle partie d’un projet en particulier ? 

Cette photo fait partie de ma série en cours Water People, où je collectionne les différentes relations entre l’homme et le milieu aquatique. Ma photo s’appelle « 2018_35mm_#061-06 ». ça doit venir de mon côté geek des nombres, mais j’ai un système d’archivage très rigoureux qui attribue un numéro unique à chaque image (année_format_numéro de pellicule_numéro de photo). Alors, plutôt que de chercher un titre pour chaque photo, ou de les appeler « sans titre », j’utilise ce code d’identification pour nommer mes photos. Cela raconte autant qu’un titre cherché à la va-vite tout en m’évitant de perdre du temps à en chercher un !

Dernière question : parmi tous les talentueux utilisateurs Wipplay, est-ce qu’il y a un (ou plusieurs) compte (s) dont vous appréciez particulièrement le travail, et que vous conseilleriez ?

Le premier nom qui me vient en tête est Paul Napo. J’adore ses portraits de rue d’irlandais. A mi-chemin entre le posé et le spontané, il y a tellement de douceur avec un soupçon de tension, le tout baigné dans des couleurs harmonieuses. J’A.D.O.R.E Paul. Si tu me lis, promets-moi de sortir un livre, je le réserve déjà !

© Paul Napo