«Je suis un flâneur équipé d’une petite boîte magique » 

par Wipplay
© Morfeuh

Le concours TOUS EN SELLE, organisé à l’occasion de la parution de Bike Trip, USA, 1939 de Ruth Orkin, entendait mettre en avant la pratique du vélo, qu’elle soit en solo, en famille, à l’autre bout du monde ou en bas de chez soi. Philippe Romeuf, plus connu sous le nom de Morfeuh sur Wipplay, s’est démarqué grâce à sa photo Les pieds sur terre qui a remporté le premier prix du jury.

Découvrez dans cet entretien le parcours photographique de ce professeur de math qui exploite sa passion lors de ses flâneries.

 

© Morfeuh

Commençons par votre parcours : d’où venez-vous et où êtes-vous basé actuellement ? Et, comment débute votre passion pour la photographie ?

La Haute-Loire est ma terre natale et mon camp de base actuel. J’ai aussi arpenté pendant plusieurs années les rues de Lyon, Clermont-Ferrand et Toulouse. Mon intérêt pour la photo a dû débuter à l’ouverture de mes yeux à ma naissance ! Ou, plus sérieusement, lorsque j’ai collaboré avec un de mes frères étudiant en fac d’arts plastiques. Lui n’appréciait pas l’aspect technique du module photographie de son cursus ; moi, je trouvais ludique la construction d’une série d’images sur un thème imposé.

Travaillez-vous sur des projets en ce moment ? Si oui, lesquels ?

La photo n’est pas ma profession, je suis prof de math (le plus beau métier du monde), je prends donc souvent le temps de développer des séries à long terme, certaines sur des dizaines d’années, ou à l’inverse de me fixer des objectifs plus circonscrits (unité de temps, de lieu et d’action, comme au théâtre) pour des événements ponctuels alentour.

Quelle est votre méthode de travail ?

Le mot travail n’est pas adapté, je suis plutôt un flâneur équipé d’une petite boîte magique qui enregistre des images (un reflex numérique et un 50mm en général), l’oeil attiré par des lumières, des géométries, des scènes… L’étape de la prise de vue est ma préférée : je prends assez peu d’images (je l’ai en tête avant de déclencher). Le traitement postérieur de celles sélectionnées est cependant intéressant, en restant léger sur l’assaisonnement !

© MorfeuH

En termes de rendu photographique, recherchez-vous quelque chose de particulier ? Pouvez-vous nous livrer des secrets de fabrication/astuces ?

Je suis adepte des images qui s’imposent par leur construction (cadrage, composition et géométrie) et leur éclairage, avec des rendus sans esbroufe (vade retro Satanas HDR et saturation !). Je crains le soleil et apprécie l’obscurité et le brouillard. Difficile de parler de secrets de fabrication, mais je n’oublie jamais Roland Barthes et son punctum [l’élément imprévisible de l’image qui touche le spectateur, ndlr] quand je peux l’attraper.

Parlons de la photo qui vous a valu le premier prix du concours TOUS EN SELLE : quand et où avez-vous pris ce cliché ? Racontez-nous le contexte.

C’est une rencontre à la fin des années 80, lors d’une de mes rituelles déambulations du mercredi après-midi dans l’annuelle fête foraine de Clermont-Ferrand : la foule n’était pas au rendez-vous et la météo automnale capricieuse. Un rayon de soleil bienvenu et un coup de flash discret m’ont permis de saisir cet oxymore visuel entre ennui profond et attraction colorée, qui évoque à mes yeux une scène de western décalé.

© Morfeuh

Cette photo (« LES PIEDS SUR TERRE »), fait-elle partie d’un projet en particulier ?

L’image est issue d’une série en évolution permanente, sur Wipplay et dans ma vie, intitulée Colossal Youth (référence musicale comme souvent), dans laquelle j’essaie de capter les multiples facettes de l’enfance qui nous construit, entre joies et peurs, jeux et ennui. J’ai pu exposer une sélection extraite de ce dossier à deux reprises en 2023 et 2024, qui ont été d’intéressants moments d’échanges autour du thème.

Dernière question : parmi tous les talentueux utilisateurs Wipplay, est-ce qu’il y a un (ou plusieurs) compte (s) dont vous appréciez particulièrement le travail, et que vous conseilleriez ?

Tou·te·s celles et ceux qui possèdent un univers visuel personnel discret, une écriture sensible repérable… par exemple Stéphane-Guillaume, LSarah Dubas, Peurduloup, Séverine Godissart, Fabien Dendievel, L’Oré des bois, Alis., Charles le Querrec, Marie le Moigne, JMR… J’en oublie, qu’elles et ils me pardonnent !

Et encore et toujours merci de mettre en avant nos images.

© LSarah Dubas