À l'occasion du festival Image_Satellite, organisé par Sept Off, Wipplay a lancé durant l'été 2023 le concours DUALITÉ - Quand les opposés s’attirent. Le jury du concours a été captivé par un cliché mystérieux capturé sur les Îles Féroé, cet archipel et province autonome du royaume de Danemark. Lauréat du concours, Lucas Frayssinet nous en dit plus sur sa façon de travailler et sur son image lauréate, "Heima".
Commençons par votre parcours : d’où venez-vous et où êtes-vous basé actuellement ?
Je viens de la région agenaise dans le sud-ouest de la France, où j’ai grandi dans un petit village qui s’appelle Tournon-d’Agenais. Je suis actuellement basé aux Îles Féroé (entre la Norvège et l’Islande) depuis ces trois dernières années afin de travailler sur différents projets, photo mais pas que.
Travaillez-vous sur des projets en ce moment ? Si oui lesquels?
En ce moment, je travaille sur plusieurs projets photos en simultané qui traitent de l’insularité des Féroé, de son mode de vie mais aussi de sa jeunesse. En parallèle, je travaille sur plusieurs projets vidéo, documentaires mais aussi long-métrages pour le cinéma. J’ai récemment terminé un documentaire vidéo sur les Féroé que j’ai moi-même réalisé et produit, puis j’ai travaillé pour une équipe d’Arte sur un second. Il y a quelques mois, j’ai travaillé sur un premier long métrage en tant que photographe de plateau et assistant caméra.
Actuellement, je suis en train de travailler en amont d’un long-métrage avec une réalisatrice et une production en majeure partie allemande sur la préparation et le choix des lieux, ainsi que sur le casting des acteurs, toujours ici aux Féroé. Je bosse également sur deux projets de livre qui, je l’espère, verront le jour durant l’année prochaine.
Quelle est votre méthode de travail ?
Elle est assez singulière pour ces sujets photo, notamment sur ma dernière série: Føroyskur Ungdómur – (Jeunesse(s) Féroïenne) puisqu’elle a été créée sur trois ans et faite principalement de portraits. Via mon intégration sur ce territoire, j’ai rencontré de manière amicale diverses personnes, notamment des jeunes. Je voulais me pencher sur eux et le fait de vivre une jeunesse insulaire, sur fond d’évolutions qui peuvent froisser la société conservatrice féroïenne.
J’ai ainsi « casté » certaines personnes tout au long de ces années qui avaient l’audace de vouloir en parler. Le but, c’était de faire une session pour une interview et un portrait seul ou à plusieurs durant certains évènements, ou même dans l’intimité du domicile. Le résultat dépeint une série de portraits assez minimalistes et homogènes, avec des détails ou des poses qui servent au propos du sujet.
En termes de rendu photographique, recherchez-vous quelque chose de particulier? Pouvez-vous nous livrer des secrets de fabrication/astuces?
Je recherche toujours quelque chose d’efficace et esthétique qui va droit au but. J’aime avoir des tons et des couleurs redondantes dans les différentes images d’une même série. J’aime beaucoup m’inspirer de la photographie de mode qui va chercher des détails dans les poses et les formes des corps afin d’avoir des rendus esthétiques et narratifs.
Parlons de la photo qui vous a valu le premier prix du concours DUALITÉ : quand et comment avez-vous pris ce cliché?
Les deux images qui ont valu le premier prix du concours ont été prises à deux endroits et moments bien différents puisqu’elles ont environ un an d’écart. Ces deux images font partie de la série Føroyskur Ungdómur – (Jeunesse(s) Féroïenne) qui m’as aussi valu l’honneur d’être finaliste du prix Voltaire de la Photographie de portrait.
Racontez-nous le contexte ?
Le portrait de cette famille a été réalisé durant la fête nationale féroïenne de L’Ólavsøka qui se déroule dans la capitale de l’archipel Tórshavn, il y a deux ans maintenant. Je connaissais la fille, Sanna, depuis presque deux ans. Quelques jours avant, je lui ai demandé si elle et ses parents étaient libres pour faire quelques portraits. J’ai choisi d’aller à l’écart du tumulte des cérémonies afin de s’isoler dans le « vieux quartier » historique de la ville, rempli de maisons aux toits en herbe. Connaissant les propriétaires de la maison je leur ai demandé de poser devant celle-ci.
Avec mon 35mm j’avais tout juste le recul nécessaire, afin de faire rentrer complètement dans le cadre la maison. Je voulais ainsi mettre en avant les standards de vie des familles féroïennes avec le cliché du mariage long et heureux, et de l’enfant grandissant dans cet environnement plus qu’idéal. Les habits traditionnels féroïens sont également symbole de richesse et de réussite sociale, tout comme vivre dans ce genre de maisons aux toits en herbe, les plus onéreuses des îles. La seconde image montre la cascade la plus connue de l’archipel : Múlafossur, au printemps. Faisant écho à la première photo sur la société féroïenne, elle parle du temps qui passe de façon linéaire, sans changement, dans un cadre précis.
Dernière question ! Parmi tous les talentueux utilisateurs Wipplay est-ce qu’il y a un (ou plusieurs) compte(s) dont vous appréciez particulièrement le travail, et que vous conseilleriez ?
Je conseille vivement de jeter un œil sur le travail de portraits et sur les couleurs des images de Paul Napo que j’apprécie beaucoup (et qui a été second prix du jury de ce même concours Dualité). Et j’apprécie également certaines images faites par d’autres wipplayers, comme Mantereligieuz ou encore par Rodrigo13 [dont vous pouvez (re)lire l’interview sur notre blog, ndlr]