“Mon obsession : réaliser une oeuvre unique qui vieillira bien”

par Wipplay
© Rodrigo

A l’occasion des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, organisées du 7 au 9 juillet dernier, Wipplay a organisé une collecte photographique liée au thème de cet événement : recréer l’espoir. Nous avons souhaité en savoir plus sur Rodrigo, le photographe membre de Wipplay qui a remporté le prix du jury avec son cliché Amor, Respeto, Talento

© Rodrigo
  • Commençons par ton parcours : d’où viens-tu, où es-tu basé actuellement, et sur quels projets liés à la photographie travailles-tu en ce moment ? 

J’ai 34 ans et je m’appelle Rodrigo, qui est également mon nom d’auteur. Je suis un photographe colombien – et français par adoption! Je vis sur Marseille, et je travaille particulièrement sur trois projets distincts mais finalement assez similaires dans l’idée ou leur conception.

Collection Marseille © Rodrigo

L’un s’appelle [La Vida Real] avec lequel j’ai remporté en 2020 le grand prix du meilleur photoreportage de l’année au OFF du VISA pour l’image à Perpignan.  Le projet, basé sur des récits auto-biographiques, propose une exploration urbaine en noir et blanc dans les comunas de Medellin, en flirtant avec la notion de frontières visibles et invisibles dans ces quartiers populaires, territoires morcelés avec leurs histoires et communautés respectives.

La vida real ©

Le deuxième projet se nomme Hey Mars, un projet sur Marseille ! L’histoire de la ville a été racontée maintes fois et je n’ai pas la prétention de vous faire (re)découvrir Marseille, cela serait mentir car la ville est déjà en train de changer au moment où je vous écris ces lignes. Mais je vous propose de suivre mon exploration de cette ville tout en essayant de garder son authenticité, ce qui est un challenge ! 

Projet Hey Mars © Rodrigo

Le troisième projet est tout aussi passionnant ! On m’a proposé l’encadrement d’ateliers photos pour le programme [OV School] pendant tout le mois de juillet ! Ce programme propose une multitude d’activités à des dizaines d’enfants de quartiers populaires qui ne peuvent pas forcément partir en vacances cet été ! Organisé par Synergie Family, l’OM Fondation et Orange, il a lieu dans un lieu emblématique : l’Orange Vélodrome.

Projet [OV School] © Rodrigo

Par ailleurs, je suis ambassadeur pour le 24h project « Photographers for social change » qui est un mouvement international de photographes créé à New York, et qui mobilise chaque année de nombreux confrères pour lever des fonds pour une action sociale et vertueuse. Ces dernières années, nous avons orienté nos efforts pour une ferme en permaculture au Mexique et pour un meilleur accès à l’éducation dans les bidonvilles en Inde ! J’ai l’ambition de créer un événement 24h project à Marseille.

© Christophe Le Boulaire
  • Parlons de la photo qui t’as valu le 1er prix de la collecte photo RECREER L’ESPOIR. Quand et comment a été pris ce cliché, dans quel contexte ? 

Cette photographie, je l’ai prise l’hiver dernier lors d’une séance pour le projet [La Vida Real] à Medellin, avec Malu, une leader communautaire de la Comuna 13*. C’est un lieu tristement célèbre pour son histoire mais paradoxalement devenu très attractif et fréquenté par les touristes pour son street art.  Malu, est une femme qui essaie à son échelle d’aider, d’éduquer, de s’engager pour sa communauté et son quartier.

J’avoue que je n’arrivais pas à trouver d’angle, la perspective, la lumière, le petit plus pendant la séance. Je cherche toujours à réaliser une œuvre d’art, réaliser de belles photos ne m’intéresse pas vraiment. Réaliser une œuvre qui vieillira « bien », unique et impactante, est une obsession. C’est peut être prétentieux de l’exprimer ainsi mais c’est ce que j’ai en tête quand je suis avec mon appareil ! Je cherchais donc l’étincelle désespérément puis vers la fin de la journée, juste avant d’arrêter j’ai aperçu ce graffiti. Avec Malu toujours dans son plus bel apparat, la magie a finalement opéré !  

*Quartier populaire de Medellin qui  a successivement connu la violence des cartels de la drogue puis, entre 2001 et 2003,  de violents affrontements entre les guérillas et la force publique (armée et police)

  • Cet été, on pourra également découvrir ton travail dans le cadre des Rencontres d’Arles, peux-tu nous en dire plus ? 

En effet, cet été, si vous faites les Rencontres d’Arles, vous pouvez apercevoir une partie de [La Vida Real] à la Fondation Rivera Ortiz qui va projeter des documentaires réalisés par des artistes sud américain. La 2e partie de la [Vida Real], réalisé l’hiver dernier et suite du projet démarré en 2018, a été retenue. Cette fois-ci, ce sont des interviews de femmes « puissantes » à Medellin. Je n’arrive pas à trouver un terme équivalent à celui colombien, car le féminisme ou en tout cas sa pensée sont sensiblement différentes là bas : le terme exact c’est « Poderosas ».

Parmi les femmes qui s’expriment devant ma camera, il y a donc Malu, qui après la séance photographique a accepté de s’exprimer sur sa condition de femme en Colombie et son devoir d’exemplarité pour les générations futures.

 

  • Tu as plus d’une centaine de photos actuellement en ligne sur Wipplay… Au-delà de celle primée à RECRÉER L’ESPOIR, peux-tu nous indiquer un cliché qui te tient vraiment à cœur, et nous expliquer pourquoi il compte à tes yeux ? 

J’en ai quelques unes en tête, notamment celle coup de cœur et actuellement exposée au festival « L’homme et la mer » au Guilvinec mais j’aime faire des contre-pieds ! Je dirais donc que c’est la photographie que j’ai réalisé de mon fils « What Ever, What Ever » en format 120 mm, en argentique, avec un appareil spécifique de chez Lomography.

© Rodrigo

L’album, je dirais même le projet, est réalisé conjointement avec ma femme ! C’est 3 ans de photographies tout en argentique et polaroids des premières années de notre enfant : on l’a intitulé « Ce que tu auras oublié »… Au-delà de l’aspect familial et artistique, ce projet se transforme aussi en un outil dans le cadre du travail de ma femme qui œuvre pour la sensibilisation à l’allaitement et l’accompagnement des femmes avant, pendant et après leur accouchement. L’arrivée d’un enfant est un véritable bouleversement !

 

  • Dernière question ! Parmi tous les talentueux utilisateurs de Wipplay, est-ce qu’il y a un (ou plusieurs) compte(s) dont tu apprécies particulièrement le travail, et que tu conseillerais ?  

Qu’on me pardonne ! Je ne m’intéresse pas assez au travail de mes confrères malgré le fait que je vois régulièrement de très belles photographies dans vos concours et albums de la semaine. Bravo à toute la communauté Wipplay d’ailleurs, ce sont de vrais passionnés !

Si je devais citer deux ou trois photographes, je dirais : 

© Maud Evrard
© Alyssa-Naïs Tourte
© Charlotte_Pargue
  • Charlotte Pargue, que je connais et à qui je conseille de s’impliquer encore plus dans la photographie,son travail est très soigné !

 

  • Alyssa Naïs-Tourte : elle est vraiment très talentueuse et elle expérimente beaucoup ! 

 

  • Enfin, Maud Evrard ! Elle fait partie de la sélection « Recréer l’espoir ». De même, il y a une réelle sensibilité qui se ressent de ses œuvres. J’espère la rencontrer un jour à Berlin