« L’emblématique chapeau melon, les longues tresses noires qui en dépassent, mais aussi le corset ajusté et les jupes de couleurs vives : leur tenue est connue dans le monde entier. Les mythiques cholitas sont un symbole fort de la Bolivie. Dans l’espagnol familier, la cholita désigne une jeune femme bolivienne très identifiée à la culture indigène. Ces femmes ont toujours conservé le style vestimentaire caractéristique de la tradition Aymara, issu des plaines de l’Altiplano, entourant La capitale, La Paz.
Pourtant, pendant des décennies, elles ont souffert d’une forte discrimination raciale et sociale. Le terme « cholita », très péjoratif, désignait alors la pauvre fille de la campagne, privée de tous ses droits. Tout change en 2006 avec l’élection d’Evo Morales. Premier président amérindien de l’histoire de la Bolivie, il va valoriser le statut des cholitas et les amener sur le devant de la scène. Depuis peu, elles sont présentes en politique, à la télévision, et même dans le domaine de la mode. Jusqu’alors impensable, leur présence est désormais revendiquée. Identifiables grâce à leur style vestimentaire sophistiqué, certaines cholitas sortent même accompagnées d’un garde du corps lors d’événement spéciaux comme des défilés ou des mariages, tant la valeur de l’ensemble de leur tenue est élevée.
Entre tradition et modernité, elles font désormais partie intégrante de l’identité nationale bolivienne. Elles symbolisent la dignité retrouvée des populations indiennes.
Après avoir dédié plusieurs travaux à la situation des femmes en Amérique Latine (Caraïbes, Colombie, etc.), j’ai voulu me rendre en Bolivie, à La Paz, pour rencontrer ces femmes et comprendre ce que signifie être une cholita aujourd’hui.
En passant deux mois sur place, j’ai pu rencontrer des dizaines de cholitas. Pour leur rendre hommage et garder une trace de leur culture, de leurs particularités, j’ai choisi de recréer un studio photo au centre de la capitale : les femmes sont venues y prendre la pose, sur fond de tissus traditionnels boliviens. Une série de 35 portraits en est née.
L’objectif de cette série est de valoriser leurs tenues uniques, inspirées des traditions andines, mais surtout de révéler leur féminité, leur élégance, leur dignité. Je souhaite également contrebalancer le stéréotype de la femme traditionnelle bolivienne, reconsidérer la vision occidentale parfois datée de cette population.
Si les images font référence aux cartes postales issues de la photographie anthropologique du début du XXème siècle, elles renouvellent aussi la perception de la féminité locale. Les indices vestimentaires et décoratifs de chaque cholita sont ici porteurs d’affirmations identitaires et d’évolutions sociales. »
Delphineb