Du 21 décembre au 1er février, nous vous proposions de participer au concours À TABLE. Après délibérations, les jurés Benjamin Rondeau et Loïs Bielefeld ont choisi et commenté les 3 images lauréates ainsi que leurs coups de coeur. Un régal de lecture.
****
1er prix : Le banquet d’ami.e.s par Chevalier
****
« Les photos de banquets donnent lieu à des moments de vérité absolue. Chacun vaque à ses occupations, sans se soucier du photographe, sauf cette femme qui le salue et nous salue à travers lui. Les gestes des uns et des autres se font plus naturels au milieu de la nature mais on peut se demander s’ils ne sont pas posés. C’est composé comme une photo de Wall et ça ressemble en même temps à la Cène. Et, bêtement, l’ambiance me fait envie. « Ah les beaux soirs d’été où nous restions si tard » écrivait Nabokov. J’apprécie beaucoup les petits lampions. Chacun ressort parfaitement, dans sa forme et sa couleur. J’ai envie d’y être. » Benjamin Rondeau
****
2e prix : Rooftop par Lorette23
****
« Cette photo est frappante par son point de vue si particulier, au-dessus des têtes. Le jeu d’ombre et lumière permet de créer une belle dynamique qui anime l’ensemble de la scène sans perturber cette merveilleuse intimité familiale. Les petits détails comme le balais posé par terre ajoute à la qualité de cette image. » Loïs Bielefeld
****
3e prix : Café du matin par RHA
****
« Ici, le choix est beaucoup plus personnel. Je suis très sensible au travail de Janusz Kaminski, le directeur de la photographie de Spielberg depuis 1993. Il travaille beaucoup ce type d’images avec une source de lumière intense provenant de l’extérieur qui surexpose la scène tout en faisant ressortir les silhouettes. La lumière de Kaminski est souvent plus crue, plus blanche, mais le principe est le même ici, sauf que la scène semble tirée d’un univers plus intimiste que celui de Spielberg qui est pourtant très fort, dans le traitement des relations intimes ou plus onirique, comme si Kaminski rencontrait Lynch. La solitude de cette femme est belle. C’est une photo cinématographique, hollywoodienne même, et c’est très réussie. » Benjamin Rondeau
****
Ces autres images qui ont fait réagir le jury…
****
« Un beau moment de partage au sein d’une communauté. La composition amorcée autour des 4 figures du premier plan nous amène parfaitement à l’action grouillante du second plan. La lumière douce fonctionne bien avec ces couleurs électriques. J’adore. » Loïs Bielefeld
« J’ai trouvé le portrait de cette famille très curieux, ces différentes expressions et interactions m’ont intriguée. En voyant cet enfant, la tête dans son assiette, je me suis souvenue de ces dîners interminables alors que je n’avais qu’une envie : sortir de table pour aller jouer ! » Loïs Bielefeld
« La lumière sur cette image est stupéfiante. Elle me rappelle une peinture à l’huile. J’aime le geste tranquille des enfants dans leur propre espace, leur propre monde. » Loïs Bielefeld
« C’est une belle image surréaliste qui me renvoie à la table des Grandes Espérances de Charles Dickens. Ces accumulations de reflets à travers le verre confèrent à l’image un aspect nostalgique, d’un autre espace et d’un autre temps. » Loïs Bielefeld
« Quelle image simple mais complexe et efficace. Voici réunies en un cliché restauration rapide, question sanitaire et accessibilité de la nourriture. L’utilisation de contrastes forts construit parfaitement l’ensemble. » Loïs Bielefeld
« Là, ce sont non des souvenirs qui remontent, mais des souvenirs de photos. J’ai toujours adoré les photos de ma famille qui, quand j’étais enfant, étaient déjà rangées dans des albums et appartenaient à un passé mythique que je n’avais pas connu. Le naturel absolu de chaque protagoniste qui, j’imagine, ne se sait pas pris en photo et se laisse aller à sa propre expérience de l’instant, la présence de toutes les générations d’une même famille, les objets, les vêtements, cela me parle comme moment de vérité. » Benjamin Rondeau
« La zone de netteté est ténue. C’est une photo précise dans l’espace autant que dans le temps. Lui semble vouloir manger tranquillement. Le photographe semble vouloir le prendre en photo sans qu’il s’en rende compte. Dommage, ni l’un ni l’autre ne réussiront. Une belle image peut parfois naître de deux échecs simultanés. » Benjamin Rondeau
« Cette image me plaît parce qu’on ne peut pas vraiment la contextualiser. Ce luxe du décor, ce dressage aussi riche qu’inexploitable, c’est le début d’une fiction qui reste encore à écrire, entre la scène d’intérieur et le conte. Les différentes textures – bois, tissu, argent, papier peint, drapé de la nappe en font une composition assez protéiforme, presque picturale. La cohabitation de la fantaisie de certains éléments et de l’intérieur riche crée un contraste qui demande une explication que j’aimerais d’ailleurs avoir. Et puis, il s’agit d’une table prête à accueillir, ce qui correspond parfaitement au thème du concours. » Benjamin Rondeau