Pour leur 12ème édition, les Promenades Photographiques de Vendôme nous posent une question terriblement simple, à savoir : « Qui est photographe ? ». En 1953, Raoul Hausmann (co-fondateur du groupe Dada-Berlin) avait défini la photographie comme « un domaine à la limite de l’art et de la technique ; elle devient un art, quand elle se sert de la technique pour influencer notre aptitude visuelle à nous libérer des imitations stériles de la nature, pour atteindre la forme de l’image. Que cette image se serve des formes de la nature ou des transformations par la lumière est sans importance. Ce qui importe c’est que notre conscience optique s’éloigne des notions classiques de la « beauté » et s’approche de plus en plus de la nouvelle beauté de l’instant et de ses points de vue surprenants, qu’elle crée de ces moments mêmes, qui ne reviennent pas : dans ce cas-là la photographie est un art. «
Mais alors qui est photographe ? Qui est cet artiste capable de s’approcher de la nouvelle beauté de l’instant ? Pour y répondre, le festival « Promenades Photographiques » propose cette année un parcours riche à travers les rues de sa ville. À défaut de se faire une idée précise, voici certains morceaux choisis qui permettent d’offrir des éléments de réponse.
Le photographe, ce chasseur de faits divers ?
Le Festival de Vendôme expose le travail de Weegee. Né en austro-Hongrie en 1899, ce dernier photographiait officieusement, la nuit. Il couvrait les émotions fortes : les incendies, les explosions, les collisions, la guerre des gangs de la prohibition, les morts, les rois, les présidents mais pas seulement… Dans sa voiture, sa radio branchée sur les fréquences de la police le prévenait lorsqu’un fait divers venait à se produire. Il donnait ainsi l’impression de savoir à l’avance où et quand les évènements intéressants allaient se dérouler…
Weegee aimait aussi photographier ces rues tranquilles, sans crime où il croisait les retraités, les buveurs de taverne ou les femmes missionnaires.
Le photographe, ce metteur en scène si prévoyant ?
A la Chapelle Saint-Jacques, on découvre la collection de Thomas Sauvin qui présente le premier volet de « Beijing Silvermine » : l’histoire d’une Chine racontée par les chinois, pharaonique travail de conservation de la mémoire quotidienne… Le collectionneur a sauvé 750 000 négatifs de particuliers, menacés de destruction et rachetés au kilo. Un témoignage sur 20 années de 1985 à 2005, date de l’arrivée de la photographie numérique, une époque faste où les chinois, sortis des privations et de la mobilisation politique permanente commencent à prospérer, voyager, consommer, s’amuser…
Un portrait unique de la capitale avec des rituels de prises de vues : le sujet se tient toujours droit au centre de l’image, fixant l’objectif ; une absence totale de spontanéité et une complicité unique entre le photographe et son sujet.
Le photographe, ce gardien de la mémoire ?
Un travail remarquable et original est celui du résultat de l’atelier mené par Philippe Laffond avec les élèves de l’Ecole des Gobelins. Ce photographe professionnel a reçu en héritage plus de cinq cents photographies sur plaques de verre prises par son grand père pharmacien et photographe pendant la Grande guerre, son appareil photo stéréoscopique et sa passion, devenue son métier.
Une confrontation d’images très émouvantes de Louis Laffond et de celles des élèves de l’Ecole des Gobelins : autoportraits, paysages dévastés, scènes de guerre, les élèves ont recontextualisé et se sont réappropriés l’œuvre du grand-père.
Le photographe, ce grand reporter ?
Lauréat du prix Albert Londres, Philippe Rochot a couvert une grande partie des conflits contemporains pour la télévision : Afghanistan, Irak, Liban, Afrique. Il a été correspondant à Rome, Beyrouth, Berlin où il a vécu la chute du mur, mais aussi en Chine durant six années. Il a été capturé avec son équipe de reportage en 1986 à Beyrouth alors qu’il couvrait l’affaire des otages français au Liban.
Philippe Rochot a réalisé de multiples reportages pour le Journal de France2 et une trentaine de magazines télévisés. L’homme est au centre de ses photos. Il ne conçoit pas d’image sans lui, victime ou bourreau, tendre ou cruel.
Le photographe, ce témoin du corps ?
Marion Rénier est la lauréate du Prix Mark Grosset 2015 (prix du public, catégorie photographie plasticienne) avec sa série « Métamorphose ». Elle est née le 27 mars 1992 à Saint-Nazaire. Son travail se concentre sur des sujets intimes et personnels où le corps est mis à l’épreuve.
Un commentaire de Koudelka permettra aussi d’envisager une autre réponse en guise de conclusion : « Maintenant, j’entends dire que tout le monde est photographe. Moi je pense que tout le monde sait appuyer sur un bouton. (…) Mais pour moi le photographe, c’est quelqu’un qui a vraiment quelque chose à dire, et, il le dit à travers des photos. À travers ce qu’il fait. »