Depuis 2007, les lauréats de la Bourse du Talent sont exposés à la Bibliothèque Nationale de France, de la mi-décembre à la mi-février. Chaque année, on retrouve d’ailleurs ces lauréats lors de la Nuit de l’Année des Rencontres d’Arles. Une belle session de rattrapage pour cette édition qui vient de se terminer.
Sortis d’une grande école de photographie ou autodidactes on trouve de tout derrière l’appellation « Jeunes talents ». D’ailleurs faut-il être jeune pour être un jeune talent ? Je ne sais pas. Mais j’aime l’inconnu, ces images détonantes qui me donnent envie de rencontrer les photographes. Je tenais d’ailleurs à vous en présenter trois, mes coups de coeur de l’édition 2015 … que j’ai hâte de rencontrer.
Laurent Kronental – « Souvenir d’un Futur »
Les années 80 ont vu se construire ces grands ensembles immobiliers construits pour faire face à la croissance démographique et offrir des conditions de vie « modernes ». Lorsque l’on entend le mot « quartiers » on a souvent les mêmes « clichés » qui nous viennent à l’esprit. Laurent Kronental nous offre un éclairage différent en s’intéressant aux personnes âgées qui ont vécu dans ces « villes nouvelles ». Ils y ont vieilli et sont aussi des acteurs de ces cités aux façades anxiogènes.
On a du mal à imaginer que ces personnages vivent réellement dans ces immeubles qui ressemblent plus à des décors de cinéma plutôt à que de vraies villes. Ils sont là, posés au milieu de ces espaces bétonnés, vides et froids.
Je suis dérangé par ces images et c’est ce qui me plait. On imagine plus volontiers ces « papys et mamys » devant une maison de campagne ou dans un appartement cosi. Ces portraits/paysages capturés à la chambre offrent une vérité saisissante sur la condition du « troisième âge » en banlieue.
Fabrice Monteiro – « The Prophecy »
Le projet « The Prophecy » traite du drame écologique en Afrique et plus particulièrement au Sénégal où Fabrice a réalisé ses prises de vue. Nous sommes constamment appelés à nous indigner des ravages de l’homme sur la nature. Bien souvent notre prise de conscience ne dure que le temps accordé à l’image. L’originalité est alors obligatoire si l’on veut marquer les esprits.
Les photographies de Fabrice Monteiro nous interpellent grâce à des personnages effrayants vêtus de costumes composés des déchets à l’origine des maux de chacun des endroits que le photographe a voulu illustrer.
J’ai été saisi par cette créature affreuse qui sort des eaux de Hann Bay une des plus belles plages du Sénégal aujourd’hui totalement polluée par le sang recraché par de proches abattoirs. Ces portraits surnaturels vous glacent et illustrent parfaitement les origines multiples de ces désastres écologiques tout en offrant une explosion de couleurs.
Alexis Vettoretti – La vallée des larmes
Alexis nous embarque dans l’univers des mineurs de fond de la Vallée de Jiu en Roumanie qui a été à l’époque du communisme l’un des plus grands fournisseurs de charbon d’Europe.
Immédiatement cela me rappelle nos « gueules noires » qui pendant des décennies ont extrait le charbon dans les mines de Lorraine.
Aujourd’hui ils ne sont plus que quelques uns à descendre dans les galeries minières roumaines puisque la commission européenne en à fixé la fermeture en 2018. Les portraits de ces mineurs sont hors du temps. Dans ce reportage on retrouve les symboles forts de ce métier comme la salle des pendus où chaque jour les mineurs accrochent leurs effets personnels avant de s’enfoncer sous terre.
Tous les mineurs vous le diront, ce travail les habite, c’est leur vie. Et quand ils arrêtent, ils sont toujours prêts à y retourner. La fermeture de ces mines est à chaque fois un drame pour ces populations et leur famille. Alexis réussit parfaitement à nous plonger dans cet univers.