Olivier Culmann a une actualité assez riche en ce mois d’octobre. Sa série « THE OTHERS » fait l’objet d’un livre (aux Éditions Xavier Barral) et d’une exposition au Musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône. L’événement démarre ce samedi 17 octobre et court jusqu’au 17 janvier 2016.
Toujours curieux d’en savoir plus sur ses experts, Wipplay a accompagné Olivier au cours de l’accrochage de l’exposition « THE OTHERS ». L’occasion aussi de faire connaissance avec François Cheval (Directeur du musée Nicéphore Niépce), Christelle Rochette (Conservatrice Adjointe) et Anne-Céline Besson (Assistante de Conservation).
Le bonheur, c’est « Les Autres » !
Le rendez-vous est pris avec Olivier à Gare de Lyon, peu avant 7 heures du matin. Le trajet de 3 heures jusqu’à Chalon nous permet de revenir sur l’histoire de « THE OTHERS ». Dans ce nouveau sujet à métamorphoses – qui fait suite à « FACES » – Olivier incarne une foultitude de personnages indiens : un gardien d’immeuble, un sâdhu, un brahmane, un flic (même 3), un Gandhi, un fonctionnaire, etc.
Autant de profils rencontrés à Delhi entre 2009 et 2012. « Dans la rue, je repérais des archétypes de personnages. Je les croisais en permanence. Lorsqu’ils devenaient vraiment familiers, je finissais par les attraper avec mon appareil. Ensuite, j’allais m’acheter leurs habits ». Parfois Olivier emprunte directement les vêtements des intéressés. Un chauffeur sikh, par exemple, viendra au studio pour le vêtir de son tissu de 6 mètres de long.
Pour chaque portrait, Olivier reprend les mimiques des profils observés. Il incarne tour à tour les jeunes « branchés », les officiels prévisibles, les commerçants trop sûrs d’eux… Même si les attitudes sont assez neutres, il cherche à coller subtilement au personnage. Olivier tente plusieurs attitudes, toujours inspirées des poses récurrentes dans les studios photographiques de quartier. Il choisira ensuite la plus adaptée. Au final, le résultat est bluffant : Olivier disparait derrière ses personnages.
Juste avant notre arrivée en gare de Chalon, il revient sur sa rencontre avec François Cheval pour la présentation de « THE OTHERS ». Sur la table d’un café, il avait déposé les tirages de son nouveau projet. Après un premier rire face aux personnages loufoques de la série, François s’était vite rendu compte qu’un seul modèle incarnait l’ensemble des personnages. Curieux, il avait demandé au photographe : « Et tu as réussi à trouver un type assez fou pour poser dans toutes tes photos ? Tu es allé le chercher où ce mec ? ». Laconiquement, Olivier lui avait répondu : « Pas bien loin tu sais ». Relevant alors la tête vers le visage souriant d’Olivier, le directeur du Musée Niépce avait éclaté de rire dans le restaurant.
Dans les écuries de Cheval…
Déjà présentée partiellement au Festival Images de Vevey l’an passé, la série « THE OTHERS » est cette fois intégralement exposée au Musée Niépce. Cet ancien relais de poste – avec son lot d’écuries – abrite le haut-lieu français de la photographie. Partout, les plafonds sont soutenus par une charpente magnifique. Dehors, une belle cour prolonge l’atmosphère. Au moment de rentrer dans la grande salle de l’exposition, Olivier nous confie un scoop : « On m’a dit qu’il s’agissait des anciennes écuries. Au musée de Cheval, ça ne s’invente pas… »
C’est la grande salle du musée qui accueillera les 35 personnages de « THE OTHERS ». Ce grand volume offre une scénographie ambitieuse : 4 personnages grandeur-nature sont fixés sur des panneaux alors qu’une immense cloison expose les 3 flics iconiques de la série. La paroi permet aussi de structurer l’espace et de rythmer la promenade des visiteurs.
L’équipe du musée a déjà travaillé en amont avec Olivier mais beaucoup de choses restent encore à agencer. « Lors des repérages, il y avait d’autres expos, ce n’était pas le même espace. Aujourd’hui, les cloisons sont posées, les angles de vue apparaissent ». Posés au sol, les cadres dessinent une enfilade ininterrompue d’images. Un plan tout juste imprimé permet aussi d’avoir une idée générale de l’ensemble.
35 personnages à exposer !
François Cheval a rejoint Olivier, épaulé depuis le matin par Christelle Rochette et Anne-Céline Besson. En parcourant rapidement tous les cadres disposés au sol, François Cheval met en garde : « Attention. Faut surtout éviter les rangs d’oignons. Ça va être vite chiant et ça produira un effet de zapping, un passage trop rapide. À nous de créer des instants de pause, de contemplation. »
Si Olivier souhaite respecter des correspondances entre certains personnages, il s’en remet largement à l’équipe du musée. Ils sont chez eux, ils connaissent leur métier. François reprend : « Une expo, c’est pas compliqué. C’est un parcours physique, ce sont des gens qui marchent. C’est pas comme un bouquin. Dans la première salle, il faut les prendre à la gorge tout en leur laissant le temps de capter qu’il s’agit d’une plaisanterie de très mauvais goût. » Tout l’enjeu étant ensuite de poursuivre la visite. « Dès qu’ils ont compris ça, il faut ensuite donner l’envie d’aller plus loin. A quel moment tu te fends la gueule, à quel moment tu te poses, à quel moment tu te fends la gueule à nouveau… C’est ça l’enjeu ! »
Les cartes sont rebattues. Chacun partage ses idées. On déplace les cadres, 10 fois, 20 fois. Progressivement, un consensus apparait et transforme les premières intuitions en convictions. Finalement, on ne placera que 4 personnages sur le premier mur. Uniquement des grands formats d’ailleurs, avec des personnages assez sages. Anne-Céline y tient : « Il faut y aller progressivement au début, on ne doit pas tout montrer ». François partage son point de vue. Quand il déplace directement un cadre à mains nues, Christelle le reprend : « Et donc toi tu ne prends pas les gants ? ». « Moi, c’est pas pareil », répond le directeur. Tout le monde se marre. À l’écouter depuis plus d’une heure, on comprend qu’il n’a pas pour habitude de prendre des gants.
Entre Olivier et François, les blagues fusent. « Tu pourrais prendre, le brahmane là ? J’aimerais bien le voir à la place du sâdhu ? Quoi ? Du sâdhu ? Michel sâhdu est sur THE OTHERS ? » Au fur et à mesure des calembours, l’exposition prend forme. L’atmosphère de la première salle se dessine. Comme le souhaitait François, les visiteurs seront pris à la gorge. Désormais, l’enjeu est de créer l’envie d’aller plus loin. Nous les abandonnons à ce moment-là, bien convaincus qu’ils sauront vous donner envie d’aller très loin dans cette magnifique expo.
☞ Voir aussi l’article « The Others » d’Oliver Culmann et « François Cheval évoque son parcours au Musée Niépce«