Un mois après son ouverture, le concours SKY rassemble plus de 1500 images. Un succès compréhensible pour ce sujet photogénique, abordé sous mille angles différents. Pour l’occasion, WIPPLAY a choisi de vous présenter « SOUS LE CIEL », une très belle exploration réalisée par Sandrine Expilly, jury au concours SKY. Cette semaine, nous lui avons posé quelques questions pour comprendre sa manière d’aborder le sujet.
Face à vos images, on pense aux estampes d’Hokusaï qui mettent en scène la petitesse de l’Homme face à la toute puissance de la Nature. Quel est le sens de votre projet « Sous le ciel » ?
C’est exactement cela. Depuis longtemps je me questionne sur la place de l’Homme dans l’univers. L’Homme tout puissant n’existe pas. Même s’il créé des bâtiments gigantesques, s’il pense avoir le contrôle, il reste minuscule. La nature est là pour le lui rappeler régulièrement. De fait, la peinture de Mark Rothko m’inspire beaucoup, tout comme les ciels de Constable et Eugène Boudin. Les estampes d’Hokusaï aussi, effectivement.
Je pense aussi à ce mot qu’on utilise aujourd’hui le «cloud» pour décrire un espace immense et immatériel, l’idée d’une connexion métaphysique avec les nuages me plaît. Aujourd’hui nous sommes comme nos ancêtres les Gaulois. Nous recommençons à avoir peur du ciel et les nuages représentent pour moi l’impermanence de la vie.
Pour ce travail, j’ai parcouru les travaux des naturalistes du début du XIXe siècle. Des scientifiques comme Jean-Baptiste de Lamarck ont classé et nommé les différentes formes prises par les nuages (ndlr : cette classification doit d’ailleurs beaucoup aux progrès de la photographie). Les travaux de Luke Howard – auteur d’une classification poétique des nuages – sont aussi très riches. À partir de ses sources, j’ai fait des listes de mots décrivant les nuages. Ça m’a permis de structurer mon travail et de nourrir mon inspiration.
Vos nuages semblent dialoguer avec les sculptures, les ponts, les monuments, etc. Comment construisez-vous ce dialogue ?
En réalité, le dialogue est surtout engagé par le ciel. Par exemple, je n’ai jamais prévu de photographier la Conciergerie. Un jour, j’ai vu le ciel se couvrir, devenir pourpre puis violacé, jusqu’au ténébreux. Je suis partie très vite sur mon deux roues, un peu au hasard et me suis retrouvée aux alentours de la Conciergerie. Ce sont les couleurs du ciel qui m’ont conduit vers ce bâtiment.
C’est là que le dialogue s’est instauré. Paris est chargé d’histoire, chaque rue, chaque bâtiment nous parle même inconsciemment. Je crois que les lieux conservent en eux, intimement une mémoire. Parfois aussi, j’attends le ciel. Un jour, je me suis retrouvée très tôt sur la place de la Concorde. Là, un petit nuage isolé est venu mettre un accent à la pointe dorée de l’Obélisque.
Comment travaillez-vous la lumière de votre ciel ? Quel(s) moment(s) de la journée préférez-vous shooter ?
Au départ c’était le matin aux premières lueurs de l’aube car malgré la pollution je trouvais une certaine pureté et une transparence dans l’air et dans les couleurs. De plus à certains moments de l’année comme en été lorsqu’il est tôt la ville est presque silencieuse, je me trouve alors dans un état de flânerie contemplative, méditative si on peut dire, j’ai alors le sentiment d’avoir beaucoup de chance de voir Paris ainsi.
Par la suite je me suis rendue compte qu’en fin de journée et particulièrement au changement de saison le ciel semble s’agiter, j’ai donc beaucoup shooté en Septembre et au printemps. A ce moment là je recherchais des ciels changeants, ténébreux, orageux. Puis par la suite toutes les heures de la journée m’ont intéressé car les couleurs d’un bleu ou d’un gris change continuellement au cours de la journée.