ATLANTIKWALL
Mon travail, dans cette série intitulée "Atlantikwall", porte sur les blockhaus du Mur de l'Atlantique. Ce cheminement photographique se concentre sur la côte française et est effectué au moyen d'une chambre photographique équipée d'un dos "roll-film" au format 6x12, me permettant des prises de vue panoramiques. Le choix de ce matériel s'explique par une volonté de pouvoir utiliser la technique du décentrement, pour les éléments d'architecture, mais aussi de retransmettre, par ce ratio 2 : 1, une vision humaine. La présence des bunkers, le long des côtes françaises, est devenu, pour la plupart d'entre nous, un paysage de vacances que l'on voit sans voir, rappelant de mauvais souvenirs. Ces ouvrages sont effectivement les seules traces matérielles de l'occupation allemande, et notamment de son aspect économique, au cours de la Seconde Guerre mondiale. Cette gigantesque entreprise de l'Allemagne nazie devait, pour des raisons stratégiques, fonder les limes et marquer le territoire d'un nouvel empire, s'étendant de la Norvège au Sud de la France. Pour autant, leur évocation crée un malaise, un sentiment de culpabilité taboue. En effet, près de 15 000 entreprises françaises ont collaboré avec l'organisation Todt pour la construction de ce mur de l'Atlantique, assurant par la même occasion, un véritable poumon économique au régime de Vichy. Cependant, ces vestiges en béton, réputés indestructibles, s'effacent peu à peu dans le paysage, devenant par endroit invisibles. Outre la végétation envahissante, l'érosion, par le phénomène de flux et reflux des marées, déstabilise les sols et fait mouvoir ces monolithes fascinants en les ensablant, voir en les faisant choir du haut des falaises. A cela s'ajoute la volonté de certaines autorités locales à les détruire, jugeant ces ouvrages dangereux et incompatibles avec les activités humaines contemporaines. Ce phénomène entraîne un effacement dans nos mémoires collectives de ce qu'a pu être le collaborationnisme mais aussi le travail obligatoire de milliers de travailleurs. Pourtant, les blockhaus, quel que soit leur état, sont réappropriés et connaissent des destinées autres que celles prévues originellement. Il est fréquent de voir ces lieux devenir des squats pour sans-abris, des aires de jeux pour enfants l'été venu, des supports bruts pour tagueurs, mais aussi, plus étonnant, devenir des fondations pour des bâtiments, des bergeries, des dépendances... Ainsi aurions-nous peut-être là l'exemple de la capacité de l'Homme à voir vers l'avenir et à ne pas s'encombrer d'un passé trop pesant.