Patrick Tourneboeuf – expert Wipplay – nous a fait le plaisir d’être le jury aux concours PROFONDEUR DE CHAMPS (août 2013) et PERSPECTIVES (avril 2015). Le photographe du collectif Tendance Floue s’apprête à vivre un année riche en émotions. Il nous raconte tout ça.
Quels sont vos actualités dans les prochains mois ?
Deux présences à l’exposition AutoPhoto à la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain avec American Dream, une œuvre collection de 196 tirages originaux réalisée avec Sylvie Meunier et Nationale Zéro, création d’une œuvre vidéo de Tendance Floue projeté sur 3m60 de large. Une soirée de lancement/signature de l’ouvrage American Dream a d’ailleurs eu lieu le 28 mars à la librairie Artazart.
J’ai aussi une exposition en solo show de 5 mois au MIT Museum de Cambridge (Boston, USA). L’accrochage présentera 47 tirages de la série TRACE – Kimberley – The Diamond Trace, montrés avec des vidéos et l’interview.
Je prépare également un ouvrage assez particulier qui va mélanger deux séries (Nulle Part et Blow Up) aux antipodes et pourtant si complémentaires. Nulle Part est une réflexion photographique menée depuis 1999 à la chambre sur les stations balnéaires en hiver, espèces d’espaces au bord du monde. Cette série va côtoyer Blow Up, qui se base sur un travail d’agrandissement de détails de cartes postales en couleur des années 50 à 80 de souvenirs de vacances en bord de mer. Le projet est en phase de maquette, réalisée par Caroline Magre.
Quelle est votre obsession photographique que l’on retrouve au fil de ce(s) projet(s) ?
Le partage est une obsession. Les rencontres humaines, la découverte de nouveaux espaces, de nouvelles histoires, la curiosité. D’ailleurs, le livre photographique est un moyen de transmettre ces émotions, ces petits instants. À ce propos, l’ouvrage « American Dream » est un bon exemple à deux titres.
Celui de travailler en binôme avec Sylvie Meunier, ma douce et tendre. Nous nous sommes totalement investis d’une mission commune autour d’une même passion en partageant nos points de vue, nous justifiant tel ou tel choix, et en revendiquant un ouvrage signé des deux noms. C’est une magnifique aventure créative et humaine.
L’idée de s’emparer d’un contenu éditorial qui n’émane pas de sa propre photographie est aussi une très bonne source de partages. American Dream (Éd. Textuel) est un travail de collecte et d’interprétation d’un pan culturel d’anonymes Américains qui utilisent la photographie pour s’immortaliser seul, à deux, ou en famille devant leur belle voiture qui stationne face à leur maison. Tout un symbole d’après guerre, de réussite, d’intégration et de rêve.
Quelle lumière berce vos projets ?
Celle que l’on perçoit lorsque l’on a les yeux ouverts et que l’on ne subit pas. La liberté est sans contexte la plus belle lumière. Ceci est philosophique et fait osmose à l’acte photographique. La lumière est un révélateur. Elle met à jour l’inconnu. Elle accompagne également la narration et fait partie intégrante de la personnalité du photographe. C’est un allié.
Sur la série TRACE – Kimberley, la lumière est très présente. Nous sommes en Afrique du Sud à 1 200 mètres d’altitudes, dans le désert, à la fin de l’hiver. Sans cet élément naturel, ce projet n’aurait pas eu cette saveur, cette odeur. Je suis très attentif aux heures de prises de vue, quitte à attendre rivé sur un trottoir pendant trois quarts d’heure que le soleil vienne bien vouloir se placer correctement dans mon cadre.
Le fait d’utiliser une chambre photographique posée sur son fidèle trépied accentue cette démarche. De même, j’affectionne particulièrement les lumières à contre-jour, rasante et surtout les tombées de la nuit. Sublime instant où l’on perçoit le mouvement du temps suspendu et esthétiquement magique.
Quels photographes vous inspirent ?
Les photographes du XIXème siècle sont de véritables sources d’inspirations. Gustave Le Gray bien naturellement, Baldus, Marville et bien d’autres. Ceux qui ont photographié la Commune en 1871, connus ou inconnus. Plus proche, Eugène Atget suivi de l’incontournable Walker Evans ou de Berenice Abbot. August Sander qui, en plus de la réalisation de ses portraits, fut un excellent photographe de paysages. Bernd et Hilla Becher, référence absolue. J’ai longtemps trainé en reportage accompagné des ouvrages de William Klein, ou de Raymond Depardon.
Durant le séjour à Kimberley, j’avais une forte empreinte de Stephen Shore en tête avec un relent lointain de Gary Winogrand, Lee Friedlander, Anthony Hernandez et Paul Graham.
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