Lieu_Cent Quatre à Paris
Photographes_Programmation du Festival Circulation(s)
Jusqu’au 5 mars 2017
Quel festival rafraîchissant ! Et cette sensation-là ne s’explique pas seulement par ce froid qui glaçait les visiteurs au vernissage. La sélection de ce 7ème festival de la jeune photographie européenne est une nouvelle fois surprenante et de qualité.
47 artistes engagés dénoncent, rappellent ou alertent sur des sujets de société, actuels. Les approches sont variées, décalées, humoristiques, tendres, sensibles, pudiques, frontales, historiques, efficaces.
Cette sélection fait suite à un appel à candidatures internationales, d’invités (une galerie et une école) et de la carte blanche du parrain de cette édition : Hercules Papaioannou, directeur du Musée de la Photographie de Thessalonique. Cette édition 2017 est une nouvelle fois l’œuvre de l’association FETART, animée par une équipe toujours aussi engagée, présidée par Marion Hislen.
Engagée et pudique, Frédérique Bretin à Auchswitz
Les marais photographiés sont situés à quelques kilomètres d’Auschwitz. Frédérique Bretin les a découverts grâce au témoignage de Charlotte Delbo. La résistante française déportée en 1943 raconte comment des commandos de détenus creusaient des fossés de drainage pour assainir ces marais, puis en fertilisaient les terres une fois asséchées avec des cendres humaines. Un témoignage sidérant qui oblige à prendre son temps devant ces images pour les comprendre et ne pas oublier.
Kate Fichard, en duo décalé avec le plasticien Hugo Deniau
Les épouvantails de Kate Fichard sont colorés. Les silhouettes contemporaines semblent sorties d’un défilé de mode et pourtant elles sont inspirées par une certaine idée de la terreur contemporaine. Imaginées et conçues sur place avec des éléments présents alentour, on ne sait si les oiseaux vont être effrayés. Quoiqu’il en soit, leur rencontre nous réjouit, dénonce et alerte très efficacement.
Engagée et délicate, Ludovica Bastianini
Engagée Ludovica Bastianini, nous rappelle que chaque année 13,5 millions de petites filles mineures sont mariées de force avec des hommes plus âgées. L’artiste italienne traite ce sujet avec pudeur et sensibilité en habillant de très jeunes mannequins trouvés dans des magazines avec de vieilles dentelles appartenant à sa mère.
Poétique, l’iranienne Aruna Canevascini
La série « Villa Argentina » explore la relation de la jeune Arunà Canevascini, arrivée en Suisse très jeune avec sa mère, artiste iranienne. Dans le décor de leur maison de familles située dans le sud de la Suisse, Dans La Villa Argentina, scène d’un univers poétique, décor spécifiquement mis en œuvre pour l’objectif de la photographe, cette œuvre explore différents enjeux tels que la vie de famille, la féminité et les frontières sexuelles dans ce contexte de solitude à deux.
Troublante, Milja Laurila
Déjà remarquées à Photo London, ces images imprimées sur du verre acrylique transparent sont troublantes. Milja Laurila est passionnée par l’histoire de la médecine et par les photos de patients. Pendant dix ans, Milja a ainsi collectionné des photos d’archives médicales. Ces photos d’anonymes sont le point de départ de cette série. Placée devant un mur, ce matériau transparent permet aux silhouettes transparentes, presque immatérielles de prendre forme dans un clair-obscur en trois dimensions sur le mur.
Amusante, l’auteur de l’affiche Weronicla Gesicka
Ce projet s’organise autour de photographies vintage achetées sur des banques d’images. Weronicka Gesicka retouche ces photographies et raconte ainsi d’autres histoires qu’elle nous laisse deviner. Scènes de familles, de la vie quotidienne et des souvenirs de vacances, prises de vues réalisées sur le vif ou entièrement mises en scène. Nous ne savons rien des liens réels qui unissent les individus photographiés : sont-ils des acteurs jouant aux familles heureuses ou des anonymes dont les clichés ont été mis en vente ? Les situations photographiées sont sorties de leur contexte initial ; la vision de ces souvenirs se transforme et finit par se troubler complètement.
Engagée et si sensible, Marie Moroni
Les portraits de Marie Moroni sont magnifiques. L’intensité des regards de ces femmes dont elle ne connait pas grand chose à l’exception de leur histoire commune, celle du Rwanda. Elle les a rencontrées dans un petit village au milieu des collines au nord de Kigali, dans l’atelier de broderie où elles se sont remises au travail après 19 ans d’interruption suite au génocide. Nous ne pouvons qu’être touchées par ces rencontres et les observer en silence, comme elles. Et relire « Petit pays » de Gael Faye.
Little Circulation(s) – l’exposition à hauteur d’enfants – revient en 2017 avec son programme pédagogique et des activités pour le jeune public. Des animations avec le studio photo tous les week-end pour vous faire photographier en famille par des photographes professionnels.
Il faut faire des choix et les miens sont évidemment subjectifs, allez faire les vôtres et vous pourrez même voter pour votre photographe coup de cœur et le Prix du public ! Et puis vous céderez peut-être à l’envie d’acquérir une œuvres de ces artistes mises en vente à la Galerie en ligne nouvellement créée par le festival.