Le photographe Sacha Goldberger présente sa nouvelle série « Secret Eden » à Paris Photo le 9 novembre prochain. Ce travail se compose de mystérieux diptyques ancrés dans leur univers particulier : dans un château du XVIIIe rococo, le long d’une « highway » poussiéreuse, au fond du jardin de Blanche Neige accompagnée de ses 7 nains… Avant de vous présenter l’ensemble de la série (d’ici 15 jours), nous souhaitions partager l’envers du décor d’un tel projet.
Il y a tout juste un an, Wipplay a suivi Sacha au cours du shooting de l’un des diptyques de « Secret Eden ». Son thème ? Une exploration futuriste vintage au sein d’une capsule 70’s hyper sexy, à mi-chemin entre « Star Trek » et « Charlie et ses drôles de dames ».
Science fiction dans la vallée de Chevreuse
Nous avons rendez-vous à 7 heures du matin, en bas de chez Mamika (grand-mère et égérie du photographe !). Une camionnette et trois voitures transportent staff et matériel vers la Villa Goupil de Jacques Couelle. L’endroit est lunaire. Conçu en béton projeté, ce volume ovoïde ressemble à un vaisseau spatial doucement échoué en forêt de Chevreuse.
Malheureusement pour Sacha, l’atterrissage de son convoi ne se fait pas sans heurt. L’assistant lumière – conduisant l’une des mannequins – vient de crever sur l’autoroute. Le temps que l’équipe sur place se prépare, Sacha part les dépanner. Notre conversation se poursuit en chemin : « Une production c’est toujours imprévisible. Mais là, je dois avouer que le modèle et l’assistant qui tombent en panne, c’est la première fois que ça m’arrive. » Sur le trajet, Sacha appelle son garagiste pour récupérer une roue de secours.
Le budget de la production étant vraiment serré, c’est la mère du photographe qui viendra avec la roue. Chez les Goldberger, la famille c’est sacré. Comme le temps presse, Sacha file rejoindre l’équipe du tournage avec le mannequin alors que nous restons donner un coup de main. La mère de Sacha arrive une heure plus tard accompagnée de… Mamika. La situation est cocasse. Partis pour suivre un shooting photo, nous voilà sur l’autoroute A12 à changer un pneu avec la famille du photographe. Fantastique.
Sur la planète Goldberger
Au sous-sol de la Villa Goupil, maquilleuse et coiffeuse ont installé leur plan de travail. Au menu, ce sera brushing interstellaire et make-up cosmique. Les visages étoilés sont ensuite pris en main par le costumier qui complète les métamorphoses : combinaison intégrale pour les uns, mini-jupe de vinyle pour les autres. Tout ce monde vêtu de blanc déambule entre les parois ovoïdes de la villa comme les membres d’équipage de l’ »Enterprise ». Entre temps, un dresseur est arrivé avec deux petites chiennes…
Toute le plateau s’est installé au salon. Sacha a placé son objectif et dispose les décors : « Le tapis doit être beaucoup plus près. Il faut que tu l’avances au moins d’un carrelage. Sur l’arrête du fond, tu peux caler le bord du tapis sur le haut du canapé ? » Dans le même temps, il s’adresse à son assistant qui a les yeux rivés sur son écran de contrôle : « Alex, je crois que je ne suis pas bien dans le cadre en hauteur. Là, ça dit quoi ? Faut faire vite, y’a les chiens qui commencent à s’agiter. Ils vont être ingérables. »
La photographie en apesanteur
Sacha shoote d’abord les chiens. Face à l’objectif, la petite Ginger est assez rétive. Ce n’est pas une première pour le réalisateur des « Flemish Heroes », entre deux sifflements de boitier il choisit les postures et demande au dresseur d’orienter l’animal. Viennent ensuite les autres modèles avec qui Sacha se montre plus exigeant : « Relâche bien tes bras, je veux que l’on ait un sentiment d’apesanteur. Et si tu peux basculer sur les pieds, c’est top. » Au fil des prises, Sacha peaufine ses consignes tout en gardant un oeil sur l’écran de contrôle.
Tout au long de la journée, deux techniciens font varier l’intensité des lumières. Ils communiquent par talkie-walkie car les flashs sont disposés tout autour de la villa : certains sont cachés au fond du salon, d’autres sont accrochés en haut de perches au bord de la piscine. Les requêtes de Sacha fusent : « On va peut-être faire passer un flash en rasant sur lui avec un miroir derrière ? ». Alors que les modèles tentent de garder leur position, on comprend les lumières du photographe faites de retro-éclairages qui dorent les silhouettes de ses personnages. En pleine prise, les plombs sautent. « C’est la prise de la cuisine non ? Tous les téléphones sont branchés dessus…».
À la nuit tombée, un feu de cheminée est allumé pour la dernière prise. Après 10 heures de travail, Sacha doit motiver ses troupes pour que tout le monde reste concentré. On repense à ce qu’il nous disait dans la voiture : « Les gens n’imaginent pas que pour faire une bonne photo il te faut énormément d’enthousiasme. Si t’es pas enthousiaste toi-même, tu peux pas motiver tes équipes. Pour les séries perso, il n’y a pas beaucoup d’argent, les gens ne sont pas beaucoup payés. Il faut les garder motivés ». Vu les sourires et les blagues qui fusent jusqu’à la fin de la journée, Sacha semble tenir son pari. On pourrait même parier à notre tour que le public saura se montrer aussi enthousiaste que lui face à cette nouvelle série.
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