D’habitude je vous fais part de la dernière exposition découverte et tente de la décortiquer pour vous. Aujourd’hui, j’ai eu envie de vous faire part de ma rencontre avec Corinne Mercadier. Il ne s’agit ni d’une biographie ou d’un curriculum vitae mais simplement d’un éclairage sur une artiste aux multiples talents.
Un coup de cœur à Deauville : « Le ciel commence ici »
Tout part d’un flash à l’ouverture du festival « Planche(s) Contact » de Deauville, en octobre 2015. Christine Ollier – Directrice de la galerie Les Filles du Calvaire – m’avait prévenu : « Va voir le travail de Corinne !». J’obéis donc sagement et pars à la découverte de l’exposition : « Le ciel commence ici ». En chemin, je parcours les informations qui la concernent : « Corinne Mercadier s’inscrit dans la tradition de la photographie plasticienne (…) Des objets et des danseurs qui volent sur un toit ». Je suis toujours méfiant face à ce type d’accroches qui renvoient à des expos contemporaines trop farfelues pour moi. Pourtant, la surprise est totale. Les photographies de Corinne Mercadier m’emportent instantanément. Il ne s’agit pas de simples photos, cela va bien au-delà. Ces créations sont à la fois une mise en scène, une création plastique et une performance. Les personnages habitent les photographies, les objets qui volent à travers le cadre transportent le décor.
La photographie fige des objets suspendus. Les personnages – toujours placés de dos – offrent une dimension mystique et poétique à ces photographies. Pourtant, l’artiste nous laisse toujours un espace de liberté pour imaginer, poursuivre les histoires qui nous sont présentées. (Lire aussi : Sur les toits de Deauville avec Corinne Mercadier).
Dans l’atelier de Corinne Mercadier
Je suis ravi, Corinne m’a invité dans son atelier. Les premières lignes de la biographie de l’artiste annoncent la couleur : « Corinne Mercadier, agrégée d’Art Plastique et licenciée d’histoire de l’Art ». Professeur en art plastique au collège, l’artiste va pouvoir m’expliquer sa façon de travailler en déroulant l’ensemble de son processus de création. Sa démarche artistique est d’ailleurs très pédagogique. Corinne souhaite que ses images soient lisibles, ouvertes, non conceptuelles. « On n’a pas besoin de connaitre tout ce qu’il y a derrière pour entrer dans mes photos ». Et pourtant, il y en a des choses derrière ces images.
Une approche de création complexe qui force le respect et l’admiration. Passionnée par la peinture de la Renaissance, Corinne est venue à la photo par le dessin. Elle me fait découvrir de nombreux dessins dont certains évoquent les rêveries des symbolistes belges. Tous les projets de Corinne démarrent par un songe, un rêve. Les yeux fermés, elle voit défiler des idées et s’efforce de les saisir. Souvent inspirée par un lieu, elle mène des recherches pour explorer une topographie, une histoire. La scène se concrétise, se dessine sur son carnet.
L’artiste me fait découvrir de nombreux dessins dont certains évoquent les rêveries des symbolistes belges.
Corinne imagine ensuite les costumes et les objets qui vont nourrir la narration. Tout est élaboré dans l’atelier, « à la main ». Je pensais visiter un atelier de photographe, je me retrouve dans un lieu mêlant décoration, dessin, haute-couture et architecture… Tout en m’expliquant sa démarche, Corinne me présente ses carnets. Les idées y sont répertoriées, croquées. Des inspirations issues de lectures ou de films, des notes issues de rêves.
De nouveaux langages, du Polaroïd au numérique.
Une fois sur le lieu choisi, le hasard fait son entrée. La lumière et le vent par exemple sont autant d’éléments que le photographe ne peut maitriser au moment du déclenchement. Rien ne sert de lutter. Corinne laisse l’insaisissable jouer son rôle au milieu d’un travail si finement préparé. À cet instant, la magie opère pour apposer sa touche de poésie.
Corinne débute son travail photographique avec le Polaroïd SX70 acheté lors d’un voyage à New York en 1982. Le polaroïd lui permettra de juger, d’aimer ou de jeter, dans l’instant. Lorsque la production des pellicules du « SX70 » est stoppée, elle se lance dans le numérique tout en conservant ses petites boites de « Pola » qui sont autant de poèmes disséminés dans l’atelier. Le nouveau support digital offre à Corinne d’explorer une infinité de techniques nouvelles.
Corinne débute son travail photographique avec le Polaroïd SX70 acheté lors d’un voyage à New York en 2008. Le polaroïd lui permettra de juger, d’aimer ou de jeter, dans l’instant.
Seule dans le noir, face à son ordinateur, elle découpe les images, travaille les couleurs… Corinne prend également en charge la post-production après s’être formée auprès d’un « magicien » de chez Picto. Un apprentissage fastidieux pour maitriser les techniques du numérique et du tirage, pour réaliser elle-même ces visions qu’elle ne pourrait expliquer à aucun assistant.
À la fin de notre rencontre, Corinne me conseille une lecture : « L’invention de Morel » d’Adolpho Bioy Casares. Dans ce classique de la littérature fantastique, le narrateur se retrouve réfugié sur une île qu’il croit déserte, mais qui s’avère peuplée de personnages avec lesquels aucune communication n’est possible. Ce jour-là, j’étais le petit personnage dans l’île de Corinne Mercadier. Mais contrairement au roman de Casares, notre échange fut riche. Très riche.
Prochainement j’irai découvrir les « Jeunes photographes de la bourse du talent à la BNF ». Corinne Mercadier est représentée par la galerie Les Filles du Calvaire.