Lors de l’ouverture du festival « Planche(s) Contact » de Deauville, Wipplay a rencontré son coup de coeur : Corinne Mercadier. Choisie pour la résidence, la photographe plasticienne en a profité pour poursuivre sa série « Le ciel commence ici », initiée en 2013. Elle y met en scène des danseurs et des objets, photographiés sur les toits de grands établissements du front de mer. Un univers extraordinaire qui nous a beaucoup intrigué et émerveillé.
Toutes les images présentées sont issues de la série « Le ciel commence ici » – 2015. Courtesy Galerie Les filles du calvaire ; © Festival de photographie Planche(s) contact, Deauville.
Sur les toits d’une piscine
Corinne Mercadier considère le sommet des bâtiments comme un espace idéal pour relier la ville, la mer et le ciel. Pour opérer le mélange, elle réalise ses images depuis les toits de Deauville : celui de la Piscine Olympique ou celui des Bains avec ses fameuses cabines de plage. La photographe joue avec l’architecture des hauteurs. Sur les cimes, les danseurs évoluent au milieu d’objets lancés dans les airs.
Au cours de notre interview, un visiteur interpelle la photographe. Une envie trop pressante de partager ses impressions face à ces images insolites. L’univers onirique et suspendu le ramène à De Chirico. Corinne acquiesce et rebondit sur ses véritables inspirations picturales. Elle évoquera Léon Spilliaert, un peintre symboliste belge. « Les lumières de Spilliaert sont toujours étranges. Son ciel est peuplé d’astres. Quand il fait un clair de lune, c’est assez incroyable quand même. Je m’inspire de ça. »
Laisser sa part au hasard
Corinne Mercadier a réalisé près de 2500 photos pour cette production. La mise en scène des objets lancés l’oblige à faire énormément de photos. « C’est un travail réalisé au moteur, en rafales. Je me sers du numérique pour ça, pour les nouvelles opportunités qu’il offre. Ce que je garde, ce sont les photographies dans lesquelles le hasard joue un rôle important. »
Sur l’image « À la lune », un grand cercle en carton peint vient se figer en plein milieu de l’image. Tous les acteurs de l’image sont sur le toit de la piscine de Deauville. L’objet de carton est lancé par le danseur alors que la danseuse agrippe un carton doré (la danseuse collabore avec Corinne Mercadier depuis 2006). Grâce à l’outil numérique, la photographe est parvenue à capturer l’instant magique. Celui qui offre à l’image sa symétrie parfaite.
« On porte chacun notre part de mystère »
Les objets lancés sont très variés, souvent abstraits : cercles noirs, triangles de tissus, ballons, rubans, triangles dorés. Plusieurs personnes interviennent pour jeter et ramasser les objets. Corinne Mercadier nous confie alors, souriante : « D’habitude ce sont des enfants, mais là il n’y en avait pas. Il faut toujours avoir des enfants, ils adorent ramasser les objets.» Les objets sont confectionnés par la photographe-plasticienne. « L’hiver, lorsque je ne peux pas faire d’images, je fais de la post-production mais aussi la couture, la peinture. Par exemple, j’ai confectionné l’isocaèdre – cette forme géométrique à 20 faces – à partir de rubans. »
« L’icosaèdre, les carrés, les cercles… Tous ces objets, c’est ce qui arrive. Avec l’air, le lancé, le temps, la lumière, ils intègrent le décor, ils existent, même éphémères.»
La plupart des modèles ne voient même pas les objets voler. La mise en scène étonne, détonne. Ces attitudes sont parfaitement indifférentes à l’agitation environnante. Sur l’image « Callisto », la photographe s’arrête un instant : « Regardez l’isocaèdre blanc qui vole au niveau de la main du modèle. Il vient prendre la place du sac à main. C’est l’objet que l’on porte de tous les jours… On porte tous notre petit mystère. »