Il y a un mois, nous vous présentions le 1er making-of des AFFAIRES PRIVÉES de Thierry Bouët. Cette série de photos insolites – actuellement exposée aux Rencontres d’Arles – met en scène des objets en vente sur Leboncoin.fr avec leur propriétaire. Pour la seconde fois, Wipplay vous révèle les coulisses de ce shooting cocasse. Ce jour-là, Thierry et son assistant Alexis se rendent au manoir de Courquetaine, un village de Seine-et-Marne.
« AFFAIRES PRIVÉES »
Comédie PhotographiqueACTEURS
THIERRY – Photographe qui se mêle des affaires des autres.
ALEXIS – L’un des 2 bras droits de Thierry.
PATRICK – Propriétaire du manoir de Courquetaine, en vente sur Leboncoin.fr
ACTE I – Scène Première : Thierry, Alexis sont en voiture. Ils roulent en direction de Courquetaine (Seine-et-Marne) à la recherche du manoir de Philippe.
ALEXIS – On a rdv à 14h chez Patrick ?
THIERRY – Yes
ALEXIS – On va être à la bourre.
THIERRY – C’est pas super grave. Patrick avait l’air assez dispo aujourd’hui. Faut juste se dépêcher pour ne pas voir la lumière tomber trop vite.
ALEXIS – (Il a les yeux rivés sur son téléphone GPS). Il faut tourner à gauche dans le champ de blé.
THIERRY – T’es sûr ?
ALEXIS – C’est ce que mon téléphone me dit.
THIERRY – Y’a pas mal de trous dans ton chemin Alexis…
ALEXIS – Google Maps n’a pas dû trop s’attarder dans le coin.
THIERRY – Laisse-tomber ton Google. On va faire demi-tour. Si c’est un manoir, on devrait le voir depuis le village. Au pire, on demandera aux gens.
Scène II : Thierry, Alexis ont finalement trouvé le manoir. Tout juste sortis de la voiture, ils devinent Patrick au fond du jardin qui descend de sa tondeuse.
THIERRY – Patrick ?
PATRICK – Thierry ?
THIERRY – Enchanté. Je vous présente Alexis qui travaille avec moi.
PATRICK – Bienvenue à Courquetaine messieurs.
ALEXIS – Il est magnifique votre manoir.
PATRICK – Il appartenait à mon père. Il a vécu près de 20 ans ici.
THIERRY – Quand j’ai vu la photo du Boncoin, j’ai tout de suite craqué. Les photos de l’annonce sont prises de derrière non ?
PATRICK – Oui, venez que je vous montre.
THIERRY – (Après quelques minutes de marche à travers le jardin, l’arrière de la bâtisse se découvre). Il est drôlement touffu cet arbre ? La façade était plus dégagée sur la photo du Boncoin ?
PATRICK – C’est vrai. La photo date de l’an dernier. C’est dommage, les jardiniers passent demain…
THIERRY – Pas grave. Peut-on visiter l’intérieur ?
PATRICK – Bien sûr.
THIERRY – (Il a tout juste franchi la porte et découvre une grande pièce au décor médiéval). Où sommes-nous ? C’est dingue ici.
PATRICK – Dans un ancien entrepôt à grains. Très ancien.
ALEXIS – Et toutes ces colonnes, c’est pour quoi ?
PATRICK – Elles permettaient de soutenir le grenier, juste au-dessus. Elles sont assez robustes et peu travaillées. C’était l’architecture utilitaire de l’époque.
THIERRY – Quelle époque ?
PATRICK – Fin XIIe siècle.
THIERRY – Et la rambarde de pompiers au milieu, c’est d’époque aussi ?
PATRICK – (Il sourit). L’ancien proprio était architecte. Il a tout retapé. Comme c’était son rêve d’avoir une rampe de pompier, il a percé le plafond.
THIERRY – Cet endroit est génial. On va se mettre là.
ACTE II, SCÈNE PREMIÈRE : Thierry et Alexis s’installent dans le grand salon médiéval pour préparer le shooting. Patrick devra descendre de la rambarde de pompiers.
ALEXIS – Oh la vache, c’est dur de rester accroché à ce truc.
THIERRY – Plutôt que de faire le pompier Alexis, tu peux mettre le boitier sur pied s’il te plait ?
PATRICK – Vous voulez qu’on éloigne les statues du champ ?
THIERRY – Non, non. Ces statues sont magnifiques. On va les garder. En revanche le tableau-là un peu bizarre là, peut-on l’enlever ?
PATRICK – J’enlève tout ce que vous voulez. Si d’autres choses vous gênent, vous me dites.
THIERRY – Le gros lion, me gêne un peu aussi. Il n’est pas trop lourd ?
PATRICK – C’est du bronze quand même. Je vais avoir besoin d’un coup de main.
ALEXIS – Pas de problème.
THIERRY – Il faudrait le sortir du champ complètement. Quasiment le mettre dehors.
PATRICK – Très bien chef.
THIERRY – Je vais être pénible jusqu’au bout, mais peut-on aussi déplacer la table derrière moi ?
PATRICK – Ok. Mais avant de soulever, on va enlever l’urne de papa.
THIERRY – Ce sont les cendres de votre père qui sont là ?
PATRICK – Oui. Il a tenu à se faire incinérer.
ALEXIS – Vous allez laisser votre père à Courquetaine ?
PATRICK – Ah non. Je vais m’expatrier en Corse. Je l’emmène avec moi.
ALEXIS – Vous allez emmener le gros lion aussi ?
PATRICK – Bien sûr, je l’adore ce lion. Ici tous mes objets ont une histoire. C’est difficile de se séparer de ses histoires.
ALEXIS – Les deux statues par exemple, elles viennent d’où ?
PATRICK – De Normandie. Chinées chez un marchand. Elles datent de la moitié du XVe siècle. Il y’ a encore des choses assez grossières au niveau des bras et des mains par rapport à la finesse du visage.
Scène II : Thierry et Alexis sont au rez-de-chaussée. Thierry termine ses réglages. Patrick s’apprête à monter à l’étage.
PATRICK – Faut que je mette cette chemise du coup ?
THIERRY – Oui. Vous rentrez tout ça dans votre pantalon et vous vous lancez de l’étage. Je vous dirai « stop » à intervalles réguliers.
PATRICK – Je me bloquerai. Vous me direz.
THIERRY – Une fois dessus, vous regardez en l’air, en bas, en haut… où vous voulez mais vous ne me regardez pas.
PATRICK – (Il marche vers les escaliers). Ok.
ALEXIS – (Agrippé à la rampe, il tente de se stabiliser). Va falloir être rapide Thierry. C’est pas simple pour se bloquer.
THIERRY – Surtout que je vais lui demander de descendre très doucement.
ALEXIS – Inutile de sortir les lumières ?
THIERRY – Peut-être si on fait un essai là-haut, mais pas ici.
ALEXIS – Tu as besoin de faire le point ?
THIERRY. (Il a l’œil dans l’objectif). Ça devrait aller. C’est vrai qu’on a vachement de lumière ici.
PATRICK – (Son pas grince sur le plancher de l’étage, sa voix traverse le trou laissé par la rambarde). C’est très flatteur tout ça. On ne m’a jamais pris en photo comme ça. Ça me fait marrer.
THIERRY – (Il poursuit sa mise au point). Bon ça va. C’est bien, c’est bien.
PATRICK – Je laisse le dernier bouton ouvert ou tu veux que je boutonne tout ?
THIERRY – Non, non, vous pouvez l’ouvrir un peu. En revanche, c’est tout dans le pantalon.
PATRICK – Ok.
THIERRY – Et maintenant Patrick, c’est 18 ans dans la tête !
PATRICK – (Il garde le silence de longues secondes avant de reprendre). Putain, je crois que j’les ai. Et j’espère les garder le plus longtemps possible mes 18 ans… J’ai des enfants jeunes, alors ça m’aide.
THIERRY – Patrick je suis prêt. Surtout, vous descendez bien le buste, face à moi.
PATRICK – J’y vais.
THIERRY – (Il mitraille avec son appareil au rythme de ses mots). Stop, stop. Attendez, attendez, doucement, doucement, descendez, stop, doucement.
PATRICK – (Il glisse et s’arrête sur la rambarde avec une facilité déconcertante). Vous me dites quand je peux continuer ?
ALEXIS – Ah ouais y’a de la pratique. Vous mettez tout sur les jambes ?
PATRICK – Je mets partout où je peux.
THIERRY – Allez-y, descendez doucement, descendez, descendez… Je ne suis pas là Patrick, ne me regardez pas. Pardon, si je vous brutalise.
PATRICK – Pas du tout, je suis à vos ordres. Et encore une fois, je suis flatté.
THIERRY – (Tout le monde s’est rassemblé autour de son appareil). Y’en a qui sont bonnes. C’est dommage, là j’ai bougé le pied.
PATRICK – N’hésitez pas, je suis à votre disposition. J’ai juste un impératif à 17.30
THIERRY – Patrick, comme vous donnez, moi je prends. On va se la refaire mais tout doucement…
ACTE III : Thierry et Patrick sont dans le jardin. Le shooting est terminé. Alexis finit de ranger le matériel.
PATRICK – Moi aussi, j’ai quelque chose à vous demander Thierry.
THIERRY – Dites-moi.
PATRICK – Est-ce que vous pourriez me prendre en photo avec mon père ?
THIERRY – Ça me ferait très plaisir Patrick. Où est-ce que vous voulez vous mettre ?
PATRICK – À la fenêtre de sa chambre peut-être ?
THIERRY – Très bonne idée. Vous poserez l’urne sur le rebord.
PATRICK – (Monté à l’étage, il s’est placé sur le rebord de fenêtre).,Et maintenant ?
THIERRY – Regardez loin Patrick. Vers l’avenir !
PATRICK – Comme ça ?
THIERRY – C’est parfait. Mettez bien vos mains de part et d’autre de l’urne.
PATRICK – Je le regarde bien l’avenir là ?
THIERRY – Vous êtes parfait Patrick !
PATRICK – Merci Thierry.